
contrée déserte, dépourvue de sentiers et
remplie de marais. —
Nous avions promis à nos matelots pour
les recompenser de leur zèle à nous conduire,
de les faire danser à Iona, car la danseest l’amusement
favori des Hébridiens de tout âge.
Ils nous amenèrent dans la soirée un pêcheur
qui jouoit passablement du violon , et nous
fîmes inviter les habitans du village à venir
danser dans notre hutte. Nous admirions la
gaîté, la légéreté de leurs danses nationales,
et l ’adresse avec laquelle ils savoient éviter
les creux profonds du terreia sur lequel ils
sautoient. Car on ne connoit point ici le luxe
des planchers , et dans l’intérieur des maisons,
on marche encore sur un sol humide
et raboteux. Nous abreuvions les danseurs
de tody, un punch composé de wiskey,
d’eau chaude et de sucre, qui leur donnoit de.
nouvelles forces. Dans l’intervalle d’un reel
à l ’autre, ils chantoient en choeur des airs
gaëlics. Quoique ces chants, comme ceux
que nous avions entendus sur mer, fussent
composés de deux parties distinctes, l’une
chantée Dar un homme x seul, l’autre entonnée
en choeur par toute la compagnie, ils eo
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différoient un peu par le rythme, et les sujets
des paroles, nous dit-on, n’étoient pas du
même genre ; les airs faits pour être chantés
sur l’eau et accompagnés par le bruit des
rames se nomment Jorrams-, les autres portent
le nom de Oran luathaidh, et ne se
chantent que sur terre, pour délasser les ouvriers
dans leurs travaux ; ce sont des espèces
de ballades ou de récits d’avantures, quelquefois
héroïques ou tragiques, quelquefois
aussi burlesques et divertissantes.
Les hommes et les femmes s’asseyoient en
rond autour de la chambre, et se donnoient
la main, ou tenoient deux à deux le bout
d’un mouchoir qu’ils agitoient en cadence
pendant les choeurs. On dit qu’un pareil
mouvement imite l’opération de fouler le
drap, et que ces chants, comme leur nom
l’indique, acCompagnoient jadis ce genre de
travail. Deux de nos bateliers qui remplis-
soient les fonctions de Coryphées faisoient
en chantant toutes sortes de grimaces et de
singeries, se frappoient la tête l’un contre
l’autre avec toute la vivacité et l’entrain de
bouffons Italiens. Le reste de la compagnie
rioit aux éclats. Ce spectacle nous amusoit