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inexpérience rendoit nos secours inutiles. Cependant
après bien des peines et des inquiétudes
nous sortîmes, enfin du détroit, et nous
entrâmes en mer. Là nous fumes terril
blement balancés par les hautes vagues.
Nous ne tardâmes pas à éprouver le mal
de mer ; mais ce qui nous tourmentoit le
plus c’étoit de voir que* nous n’avancions
point. Après cinq heures d’un lutte pénible
contre l’orage et la mer, notre pi-
% lote vint nous annoncer qu’il étoit impossible
d’atteindre l ’île de Rum avant le lendemain
malin, et qu’à moins de vouloir nous
exposer à passer la nuit à nous débattre
contre le vent et les vagues, dans un endroit
rempli d’écueils, auprès de rivages
dangereux, il falloit rebrousser chemin et
rentrer dans le havre d’Eigg d’où nous
étions sortis. Ayant tenu conseil nous nous
rendîmes à l’avis du pilote et nous fîmes
virer de bord. Ce contretemps étoit d’autant
plus piquant, que nous avions toujours
vu devant nous les montagnes de
l’île de Rum et qu’il sembloit qu’un court
instant auroit suffi pour y arriver. En
une demi heure nous parcourûmes avec
le vent qui étoit devenu favorable, la route
que nous avions faite en cinq heures.
Aussitôt que nous eûmes abordé , nous
résolûmes d’employer le reste de la journée
à visiter, dans la partie occidentale de
l’île , la ferme nommée Eaïg où demeure
un fermier de Clanranakl nommé aussi
Macdonald. On nous avoit donné une lettre
pour lui, en nous exhortant a aller le voir
comme le type des anciens montagnards
de l’Ecosse , dont il a conservé les moeurs et
les usages. C’est là ce dont nous nous aperçûmes
d’abord à l’accueil cordial que nous
fit ce bon veiellard. Il nous retint à dîner,
mais avant que la table fut servie il nous
fit boire avec du whisky, à la santé les
uns des autres. Nous le suivîmes ensuite
pour voir une oetile plantation d arbres
qu’il avoit faite récemment, ce sont les seuls
arbres de l’île et il espère pouvoir les amener
à bien. Il est vrai que la situation est très-
favorable , la ferme étant dans un enfoncement
abrité des vents de mer au nord,
à l’est et au sud , par de hautes collines.
La petite plaine de Laïg s’ouvre au couchant,
sur une plage baignée par le bras