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On aime à voir l’ordre et la propreté qui
régnent partout dans cette jolie petite ville ,
l’aspect animé qu’elle présente , et l’air
occupé et actif de ses habitans , dont le
nombre ne s’élève pas au-delà de deux mille
cinq cents. Les maisons sont basses, blanchies
et couvertes d’ardoise.
Je me promenai sur le port, qui étoit
rempli de vaisseaux marchands de toutes les
parties environnantes de l’Ecosse , et j ’allai
visiter les ruines du château de Rothesay.
Il ne reste à présent de ce château des
roisd Ecosse, qu’une tour massive et entièrement
recouverte de lierre qui croît ici avec
une vigueur incroyable. Autrefois habitée
par des souverains , cette forteresse soutint
dès lors plusieurs sièges, et fut enfin brûlée
, en i685, par un marquis d ’Argyle. Le
marquis de Bute conserve toujours le titre
de gardien héréditaire de ce palais qu’ont
long-temps habité ses ancêtres.
Après plusieurs heures d’attente , je vis
enfin arriver notre bateau qui avoit été retenu
par le calme. L’auberge dans laquelle
nous entrâmes, nerépondoit point à la bonne
apparence de la ville: Le dîner fut mauvais,
et tout confribuoit à rendre ce séjour insupportable.
Un maître de danse y avoit établi
une école de son art, et la maison reten—
tissoit des sons discordans de son mauvais
violon. Pour ajouter encore au vacarme,
Cowie , l’aubergiste de Loch - Ranza , etoit
dans la chambre voisine de la nôtre ; ?l
étoit venu de l’île d’Arran, avec son fils
vendre des ardoises et du poisson , et leur
marché achevé, ils fimssoient tous deux leur
journée au cabaret, où , tout en s enivrant
de whisky, ils se livroient avec un bruit affreux
à des discussions interminables. Aussi
nous hâtâmes-nous de quitter ces scènes
bruyantes pour aller jouir au bord de la mer
de la beauté de la soirée. Le soleil venoit de
se coucher et la lune se levoit, la mer étoit
parfaitement calme , une teinte du violet le
plus pur couvrait les montagnes de l’Argy-
leshire qui s’élevoient au nord. La grève
étoit couverte d’une multitude de bateaux de
pêcheurs laissés à sec sur le rivage j le nombre
de ces petites embarcations nous fit juger
des prodigieuses ressources qu’offre la pêclie
aux habitans du pays. Nous suivîmes les
bords de la mer jusqu’à une petite redoute