
beaucoup, et nous nous étonnions de voir sous
un ciel aussi brumeux , dans un climat aussi
triste, un peuple animé de ce genre de gaîté
et d’enjouement que l’on attribue exclusivement
aux nations qui habitent les riantes
contrées du midi de l’Europe. 1
Il falloit bien toute la fatigue d’une journée
longue et remplie de mille souvenirs intéressants
, pour nous faire supporter la nuit
dans notre misérable gîte; quelques uns de
nous furent trop heureux de trouver un mauvais
grabat sans matelas O et sans draps ; les
autres furent obligés de se contenter d’une
couche de paille répandue sur le terrein froid
et humide de la chambre.
18. Moût. Nous quittâmes de bonne heure
et sans regret notre mauvais gîte, et nous
nous rembarquâmes pour retourner à Ulva;
le temps étoit mauvais, il pleuvoit et le vent
éloit contraire sans cependant être violent.
Mais nous avions de bons bateliers qui étant
pressés d’arriver, faisoient force de rames.
Auprès de l’extrémité septentrionale de
Iona, nous passâmes près de plusieurs grands
filets que les pêcheurs de l ’île avoient tendus
pour prendre des Flinçlres et clés morues^ et
que des vessies flottantes indiquoient à la
surface de l’eau. Un bateau qui revenoit de
la pêche s’approcha de nous, il étoit chargé
de superbes poissons qu’on nous offrit au
plus vil prix. On éprouve un vif regret quand
on voit ainsi rester sans valeur et sans emploi,
un objet de subsistance et de commerce
aussi abondamment fourni par la nature.
Les mers que nous parcourions renferment
des trésors, et les malheureux habitans des
îles , faute d’établissements et de moyens
pour saler le poisson , vivent dans le dénuement
et la misère. Dés troupes nombreuses
d’oiseaux de mer suivoient ces hordes de
poissons , l’Océan étoit couvert de Pingouins,
de Guillemots et de Mouettes.
Nos bateliers nous entretenoient pendant
la traversée , des naufrages fréquents qui
ont lieu en toutes les saisons de l’année,
dans cet archipel dangereux. De tels récits
étoiant peu encourageants pour moi qui me
disposois à parcourir des parages plus orageux
encore. Les vagues etles courants rejettent sur
les côte les débris des naufrages qui ont lieu
près de terre , ainsi que ceux des vaisseaux