RAP POR T
SUR UN MÉMOIRE DE M. GAUDICHAUD,
AU DÉVELOPPEMENT ET A L’ACCROISSEMENT DES TIGES,
FEUILLES ET AUTRES ORGANES DES VÉGÉTAUX (1).
Quand on a recueilli un grand nombre de faits,
qu’on les a vus sur toutes leurs faces, qu’on les a comparés
entre eux, notant avec soin leurs ressemblances
et leurs différences, on se sent tourmenté du besoin
de rechercher les lois de leur existence, de généraliser
celles qui sont susceptibles de l’être, et de les formuler
en théorie. Sans doute la prudence voudrait souvent
qu’on s’en tînt à la simple exposition des faits ;
mais nous ne saurions nier qu’il ne soit très-utile pour
la science, que ceux qui les ont découverts, s’appliquent
à nous en montrer la liaison et la subordination.
Les observations exactes ne tardent guère à obtenir
l’assentiment de tous ; les théories, au contraire,
sont sujettes à de longues contestations. Dans ce conflit
d ’opinions diverses, les partis opposés mettent en présence
tous les faits connus, leur font subir l’épreuve
d ’un examen plus rigoureux, en découvrent d’autres
(1) Voy. Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance
publique du lundi 28 décembre 1835.
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qui avaient échappé aux précédentes recherches. Or,
les faits nombreux et bien observés sont ce qui consti-
tueessentiellement le fonds incommutable de la science.
Ainsi, quelle que soit l’issue de la lutte, il y a conquête
au profit de l’esprit humain, et les vainqueurs et les
vaincus ont souvent des droits égaux à l’estime publique.
Ces réflexions nous sont suggérées par la lecture du
travail que M. Gaudichaud a adressé à l’Académie,
travail qui, d’une part, se compose d’une multitude
de faits nouveaux, d’observations fines et d ’inductions
aussi justes qu’évidentes; et de l’autre, offre une
théorie générale qui s’appuie sur celle de du Petit-
Thouars et en agrandit considérablement la base. Les
faits matériels sont certains; la théorie qui les généralise
et prétend les e.xpliquer est encore en question.
De La Hire l’imagina sans l’étayer de preuves; du Pe-
iit-Thouars, en rassemblant toutes les observations qui
lui parurent propres à la justifier (1 ), lui donna une
existence scientifique ; Agardt s’appliqua à la concilier
avec les opinions reçues, et tout récemment, Linley,
excellent observateur, esprit judicieux et grave, vient
de la fortifier de tout le poids de son approbation.
Mais il faut convenir qu’elle compte encore au moins
autant d’adversaires que de partisans. M. Gaudichaud
(I) Il y a là une erreur que la justice nous commande de recti-
lier. Aubert du Petit-Thouars n ’avait nulle connaissance des travaux
du célèbre physicien de La Hire!
Aubert du Petit-Thouars n’a jamais été guidé que par ses
propres observations, son talent, son génie!