que je.fis en Allemagne. Le directeur du Muséum
du Landgrave, M. Schleiermacher , aussi instruit
qu’affable, voulut bien me permettre d’en faire
prendre un dessin de grandeur naturelle , qui fut
exécuté par Montfort avec beaucoup de précision ;
je pris moi-même toutes les dimensions ,de cette tête.
Une des choses qui redoubla mon intérêt pour
ce rare fossile , fut qu’en examinant avec attention
les parties d’un des os maxillaires, où plusieurs
dents avaient été brisées, je reconnus sans peine,
des restes bien distincts de la double dent dont sont
armés les crocodiles , c’est-à-dire d’une seconde
dent renfermée dans les autres ; caractère tranchant
dans les crocodiles du Nil et du Gange.
Ce crocodile des carrières d’Altdorff, avait appartenu
à M. Merck, conseiller de guerre du Landgrave
de Hesse-Darmstadt, qui a publié diverses lettres
sur les animaux fossiles de l’Allemagne. Ce naturaliste,
en faisant l’acquisition du crocodile pétrifié
dont il s’agit, l’avait fort bien reconnu, car voici
comment il s’exprime, page s5 de sa lettre à Monsieur
Forster , professeur d’histoire naturelle à
l ’université de Wilna , imprimée à Darmstadt, en
1786.
(( J’ai trouvé trois fois la dépouille du crocodile
» à long bec, parmi les pétrifications de l’Allema-
R gne (1) , tandis que cet animal n’existe qu’aux
(1) Il est à présumer que dans ce nombre , M. Merck
comprenait celui qui est dans le cabinet de Manheim ,
r bords du Gange , et à la rivière du Sénégal (îj.
» J’en ai la pièce justificative dans mon cabinet,
n dans une tête presqu’entière, que les premiers
n anatomistes du siècle n’ont pas refusé de recon-
Û naître pour ce qu’elle est -, j ’y ai ajouté le sque-
)) lette, dont j’ai la figure dessinée parM. Camper,
» et l’original que je conserve dans l’esprit de vin.
« Les naturalistes , ou plutôt les compilateurs an-
)) térieurs , l’ont vu une fois, et la conformation
n de ses dents , qui ont beaucoup d’analogie avec
» celles de Vorca , les a induits dans l’erreur de
v le désigner pour une tête de Dauphin , pendant
)) que son museau plat et large a de grandes na-
)) rines à son bout, quoiqu’en dise Klein et la foule
)) de ceux qui l’ont suivi aveuglément.
» Les naturalistes anglais ont péché de l’autre
» côté , en prenant une pétrification d’une tête de
)> dauphin pour celle d’un crocodile à long bec,
)> quoique le bec pointu de l’animal eût dû leur
)) apprendre le contraire au premier coup-d’oeil (2).
dont je ferai bientôt mention; quant au troisième , je
n’ai jamais pû savoir, en Allemagne , dans quel cabinet
il était.
(1) M. Merck se trompe certainement ici, au sujet du
crocodile du Sénégal , qui diffère entièrement de celui
du Gange , et qui est le même que celui du Nil : nous
n’avons pas , du moins jusqu’à présent, des preuves du
contraire.
(2) Une chose digne de remarque , et qui prouve
combien les hommes, même les plus éclairés, peuvent