pie , sont très-propres à nous indiquer, non seulement
le lieu du départ, mais encore à nous tracer la
roule qu’elles ont suivie ; et dans ce cas-là, si je
ne me trompe , les espèces qui habitaient exclusivement
telle ou telle partie du globe , ne doivent
pas se trouver confondues avec d’autres qui vivaient
sous des latitudes opposées. C’est sur-tout en
géologie , que cette manière d’observer la nature
dans ses grandes opérations, me paraît d’autant
moins dénuée de fondement, qu’elle semble s’étre
réalisée , jusqu’à un certain point, dans ce qui a
été dit ci-dessus des crocodiles fossiles ; l’espèce
Africaine qui est bien distincte , bien caractérisée,
ne s’est pas encore offerte à nos regards.
Nous verrons, lorsqu’il sera question des éléphants
, qu’il en est de même de ces animaux gigantesques,
trouvés en France , en Angleterre , en
Italie , en Allemagne et en Sibérie ; l’espèce Africaine,
si reconnaissable par ses molaires dont la
surface est en lozanges, n’a pas encore été vue, si
je ne suis pas dans l’erreur, sur notre continent.
Les rhinocéros formeraient-ils une exception à
cette règle? j’avoue qu’une telle anomalie dans la
marche de la nature, serait si étonnante, et en
même temps si décourageante, qu’avant de l’admettre
, comme un fait démontré, il faut avoir
épuisé toutes les ressources qui peuvent nous res ter
pour approfondir celte question, et pour découvrir
d’où peut naître l’obstacle qui nous arrête.
Je dirai d’abord que les rapports que j’ai trouvés
moi-même entre les rhinocéros fossiles bicornes ,
d’Allemagne et de Sibérie et les rhinocéros bicornes
, d’Afrique , sont bien atténués , depuis que
l’espèce mixte de Sumatra m’a appris qu’il y a
des rhinocéros bicornes et à dents incisives, dans
cette grande île si voisine de l’Inde , qu’elle paraît
en avoir été détachée. Or, si les rhinocéros bicornes
d’Allemagne et de Sibérie , étaient en effet
de la même espèce que ceux de Sumatra, nous ne
serions plus éfonnés de trouver leurs dépouilles
mêlées avec celles d’autres animaux asiatiques, et
l’anomalie disparaîtrait.
Je dois m’attendre à une objection j je vais l’établir
moi-même , et tâcher d’y répondre. Les rhinocéros
de Sumatra ont deux corne s ; cela est vrai,'
dirait-on, mais ils ont des dents incisives, et les
rhinocéros fossiles de Sibérie ri en ont nas.
Pierre Camper , dans un mémoire particulier , lu
à l’université de Groningue , où il professait alors
l ’anatomie , nous apprend qu’il disséqua une tête
de rhinocéros d’Afrique , qui lui fut envoyée par
le gouverneur du cap de Bonne-Espérance ( 1 ).
( 1 ) Ce mémoire aussi savant qu’instructif, n’avait
été encore imprimé qu’en hollandais, et traduit en allemand.
Jansen l’a traduit en français, et va le faire paraître
dans l’édition des OEuvres de Camper , qu’il est â la
veille de publier. C’est un service rendu à l’histoire
naturelle , et ce libraire estimable en a rendu beaucoup
d’autres en ce qenre.