caractères établis par Cuvier, pour constituer son
nouveau genre , il ne reste plus que celui de la
courbure des branches, et le relèvement du menton
, plus considérable dans la tête de l’éléphant
asiatique , que dans celle du Mammouth, dont les
mâchoires, moins courbées, touchent la terre par un
plus grand nombre de points, lorsqu’on veut les
placer d’à-plomb 5 mais ce simple caractère, tiré de
la forme, ce caractère isolé , est-il invariable lui-
même ? a-t-on pu se procurer jusqu’à présent un
assez grand nombre de têtes de Mammouth, pour
les comparer , et pouvoir prononcer affirmativement
qu’on doit considérer cet éléphant comme
formant une espèce particulière ? Ces têtes de
Mammouth , et même les simples mâchoires inférieures,
bien conservées, sont très-rares. Pallas ,
qui a été plus que tout autre, à portée d’en observer
un plus grand nombre, et qui a certainement
le talent et l’habitude de bien voir, nous apprend
que l’académie de Pétersbourg ne possède que trois
crânes entiers d’animaux de cette espèce , avec divers
fragments 5 et après les avoir observés souvent
eL avec attention , il les considère comme ayant appartenu
à l’espèce vivante que nous connaissons.
C’est par les lumières de ce célèbre naturaliste ,
que nous pouvons obtenir un plus grand nombre de
renseignements précieux, comparatifs et certains,
sur cet objet important, parce que de nouveaux
voyages, et des recherches subséquentes , ont enrichi
encore la collection de Pétersbourg , la plus
nombreuse et la plus instructive qui puisse exister en
ce genre. J’ose donc inviter, au nom des sciences,
cet habile géologue, de vouloir éclaircir ce point de
fait, puisqu’il a de si nombreux matériaux à sa
disposition 5 l’histoire nalurelle lui auraiL aussi une
grande obligation, si ses occupations pouvaient lui
permettre de faire de nouvelles recherches , tendantes
à prouver qu’on n’a trouvé jusqu’à ce jour
dans les vastes domaines de la Russie, que l’espèce
d’éléphant connue sous le nom de Mammouth, et
celle dont les molaires protubérantes appartiènent
à l’éléphant inconnu, dont les restes existent aussi
non loin de l’Ohio et dans d’autres contrées.
Ces points de fait, une fois bien éclaircis , seront
autant de signaux certains et invariables , propres
à empêcher les géologues de s’égarer dans des
conjectures , qui dérivent d’observations qui n’ont
pas été suffisamment discutées, et sur lesquelles l’on
s’est trop pressé de prononcer et de tirer des inductions
tendantes à retarder les progrès de la géologie,
plutôt qu’à les avancer. Il y a peu d’inconvénients
sans doute , dans les classifications méthodiques
, de multiplier un peu trop les espèces,
parce que les méthodes systématiques étant artificielles
et inventées pour diriger la marche de celui
qui se trouverait embarrassé au milieu d’une
immensité d’objets, quelques points d’appui de
plus ou de moins ne sauraient nuire à la chose.
Mais en géologie, les erreurs en ce genre sont
d’une grande conséquence $ il vaut donc mieux sus