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à l’étroit passage, et retombant lourdement, elle emplit
1 embarcation qui coule avec ses passagers inondés. Une
seconde lame arrive, sans leur donner le temps de respirer
; pousse par elle, le canot va se percher en travers
sur les roches ; s’il attend une troisième lame, il y sera
infailliblement brisé. Nos jeunes gens ne l’attendent
pas. Les plus agiles sautent à l’eau, et, tout trempés,
gagnent la rive. Le canot allégé obéit alors au.x efforts
des rameurs.^ Il flotte, il s’éloigne et la lame déferlant
près de lui ii’a pu lui envoyer que des flots d’écume.
L embarcation était sauvée du naufrage, mais ses passagers,
mouillés jusqu’aux os, ne songeaient plus aux
douceurs d’une promenade à terre. Rentrer à bord le
plus vite possible pour changer de vêtements et se reposer,
devint leur seule préoccupation en ce moment. Il
fallait pourtant reprendre au rivage ceux qui, en quittant
l’embarcation, s’étaient dévoués pour le salut commun.
Comment faire? il n’y avait pas d’apparence qu’on pût
franchir le mauvais pas d’où l’on venait de se tirer avec
tant de peine. Heureusement un meilleur passage fut
indiqué à nos voyageurs par les signes des naturels accourus
sur la plage; on le prit, tout le monde se rembarqua
et on regagna la corvette aussi gaiement qu’on
l’avait quittée.
L’épisode avait, en effet, son côté plaisant. Le danger
passé, chacun pouvait rire de son voisin, qui le lui rendait;
car chacun, dans cette scène à moitié grotesque,
venait de jouer son rôle d’une façon fort naturelle!
Toutes ces figures mouillées, les cheveux en désordre,
les habits souillés d’eau de mer et de vase eussent été
dignes du pinceau de Callot.
Le plus grand mal dans cette aventure fut la perte
d’une partie des objets dont chacun s’était si prudemment
chargé. L’ingénieur fut le plus malheureux il
avait perdu ses lunettes.
Visite du commandant à Kapio-Lani ; portrait de eette dame.
Cependant M. Vaillant, arrivé sain et sauf sur la plage,
avançait avec ses deux compagnons vers la demeure où
l’attendait la dame du lieu.
Kapio-Lani était devant sa grande case, assise sur un
fauteuil, au pied d’un arbre. Elle était entourée des personnes
de sa suite ; ses deux chevaux paissaient à quelques
pas. Au premier coup d’oeil il était facile de reconnaître
en sa personne les caractères distinctifs de cette
race de chefs, que tous les voyageurs s’accordent à supposer
issue d’une autre origine que la population à laquelle
ils commandent. Sa stature colossale, son embonpoint
excessif contrastaient, en effet, avec la taille exiguë
et la mine chétive du vulgaire groupé autour d’elle;
quand elle se leva pour saluer ses visiteurs incessu pa-
tuit Dea.
Cependant sa figure n’avait rien de bien distingué;
peut-être avait-elle été belle ; mais à quarante-huit ans
on ne l’est plus, du moins aux îles Sandwich. Sa toi-
Bonite. — Relation du voyage. Tome II.