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C’était fort peu moral; des missionnaires devaient
chercher à détruire cet usage.
Ce pouvait être dans l’occasion un moyen d’établir
entre les nouveaux venus et les naturels des relations
faciles, avantageuses aux premiers et peut-être fatales à
l’influence des résidents; ceux-ci devaient encore par ce
motif détruire l’ancien usage : la mer fût déclarée tabou
pour les femmes.
La morale chrétienne ne saurait s’accommoder de la
facilité avec laquelle, même à terre, les sandwichiennes
se livraient au premier venu sans honte et sans aucune
conscience du mal ; les femmes furent déclarées tabou
pour tout autre que leur mari et les filles pour tous.
H fallait proscrire la passion des liqueurs fortes, non
pas seulement parce que l’ivresse est un mal, mais parce
que le rhum, le vin et l’eau-de-vie, fort aimés des naturels,
étaient pour les étrangers venant visiter ces îles un
moyen d’influence tout aussi puissant sur les hommes
que la satisfaction de la coquetterie sur les femmes. L’eau-
de-vie, le vin et autres liqueurs furent frappés du tabou.
Ou comprend toutefois que, malgré le prestige ancien
qui s’attache à l’autorité morale du tabou, il aurait été
peu sûr de se fier entièrement à la puissance magique
d’un mot pour combattre les passions les plus vives et
les plus enracinées; la bastonnade et les durs travaux des
routes, infligés comme punition aux infracteurs du tabou,
parurent un moyen plus efficace et ce ne fut pas
sans raison.
A quoi se réduit la morale des Sandwicliiens,
Avec de tels moyens, on peut arriver à modifier la
conduite extérieure et publique; mais les fautes commises
en secret, justiciables de la conscience seule,
échappent aux rigueurs de la loi.
C’est ce qui ari’ive en effet; le vice se cache, mais il
n’est point détruit. Qu’importe! les femmes ne vont
plus à bord des navires étrangers ; c’est im point de
gagné. Les hommes n’oseraient plus accepter publiquement
du rhum ou de l’eau-de-vie, ni en boire autrement
qu’à l’insu de leurs censeurs ; autre point non moins important.
La pudeur publique n’est plus offensée par la
nudité des femmes hors de leurs maisons, ni par la liberté
de leurs anciennes manières ; c’est un progrès.
Mais si nous pénétrons dans l’intérieur des cases, la
scène change : les voiles sont tombés, l’ancienne sand-
wicbienne, oubliant sa pudeur d’emprunt, se retrouve
telle qu’elle était autrefois. Le kanaka, loin des regards
inquisiteurs de ses maîtres, revient à sa gourde.
Hommes et femmes, entassés pêle-mêle dans un réduit
sale et étroit, y vivent sans contrainte selon les anciennes
moeurs. Ils ont déposé en entrant le masque dont ils
sont obligés de se cacher au dehors, et la vertu qu’ils ne
comprennent pas n’a rien à gagner à leur transformation
apparente.
Les filles, il est vrai, n’oseraient s’e.xposer aux conséquences
trop évidentes d’une secrète faiblesse; mais il y