rendait la chaleur suffocante. Nous marchions depuis
deux heures et demie. Chacun de nous commençait à
avancer plus péniblement. Heureusement nous aperçûmes
à peu de distance quelques cases abandonnées
qui semblaient nous inviter au repos. M. Gaudichaud
proposa de s’y arrêter pour déjeuner.
pour satisfaire à l’avidité des chefs. Nous eûmes toutes
les peines du monde à leur faire accepter quelque chose.
Une banane, un peu de fromage, fut tout ce qu’ils consentirent
à prendre ; il fallut presque leur faire violence
pour les décider à avaler quelques gouttes de rhum dans
de l’eau.
Déjeuner sous l ’ajoupa.
« Le couvert fut bientôt mis. Nous n’avions pas oublié
en partant que les courses dans les montagnes aiguisent
l’appétit ; les provisions avaient été calculées en
conséquence. Chacun prit place sous l’ajoupa; le déjeuner
fut servi sur un lit de feuilles fraîches; couchés
tout autour, nous savourâmes à la fois les douceurs du
repos et le plaisir d’une salutaire réfection..
« A nos jeunes guides s’étaient joints de bonne volonté
cinq ou six autres petits garçons, qui fouillant le terrain
dans toutes les directions, récoltaient des coquilles
pour nos naturalistes ; heureux de recevoir en échange
quelques colliers de verroterie, des bagues ou de petits
couteaux.
« Nous ne pouvions faire moins pour toute cette suite
que de partager avec elle notre champêtre repas. Mais les
Kanakas sont d’une frugalité sans exemple. Ils n’ont que
trop de raisons de contracter l’habitude de vivre de
peu; eux qui, chargés de tous les travaux, voient de
temps immémorial leur échapper le fruit de leur labeur
« Après le déjeuner, que M. Gaudichaud avait un peu
prolongé à dessein , nous quittâmes la cabane qui nous
avait prêté son asile, et rafraîchis par le repos nous reprîmes
notre course.
« A peine avions-nous fait deux cents pas, que le plus
beau panorama du monde se déroula subitement à nos
yeux. C’était une surprise que M. Gaudichaud nous avait
ménagée. Nous l’aurions peut ètre payée fort cher, s’il
n’avait eu la prudence de nous arrêter sous prétexte de
déjeuner, afin de ne pas nous laisser arriver en ce lieu
haletants et tout échauffés par la marche.
« Là, en effet, au lieu du calme qui dans la vallée
laissait aux rayons du soleil toute leur puissance, un
vent glacial nous surprit : nous étions au Paris.
(( Le terrain qui monte en pente douce depuis Honolulu
se dérobe brusquement en cet endroit et l’on se trouve
au bord d’un escarpement à pic de douze cents pieds
de hauteur, au bas duquel se déploie une magnifique
plaine qui s’étend jusqu’à la mer. Ce vaste bassin est
borné à l’E. par un cap qui, s’avançant dans les flots,