niennes du moins quand elles sortent, car elles ne laissent
pas même voir le bout de leur nez. La décence y gagne-
t-elle beaucoup ? En vérité, je n’eu sais rien; car, si elles
ne montrent rien, elles laissent deviner beaucoup. Leur
costume se compose de deux pièces principales : la
mante, qui, partant de la ceinture, remonte sur le haut
de la tête et les enveloppe de manière à ne découvrir
qu’un oeil, et la saja, ou robe plissée, qui couvre la partie
inférieure du corps, mais si bien plaquée sur les
membres, qu’elle en dessine exactement les moindres
contours. Les femmes de la plus haute société sortent,
dit-on, souvent dans le jour, avec une saja d’étoffe
commune, qu’on nomme saja rota, et vont ainsi dans
la foule sans être i-econnues. Rien n’est plus facile, en
effet; car sous ce costume, jeune et vieille, laide et jolie,
négresse et grande dame, peuvent être aisément confondues.
« Ce doit être fort laid, diront nos élégantes parisiennes.
Tel n’est pas le jugement qu’on en porte, quand
on rencontre les dames de Lima à l’heure de la promenade
ou les jours de fête. Il est vrai qu’alors la saja rota
est remplacée par une belle saja en étoffe de soie ; que
la mantille est renvoyée derrière la tête et permet de
voir leur jolie figure et leurs yeux noirs pleins de feu.
Avec cette légère modification, le costume des Limé-
niennes est charmant. Ajouterai-je que dans les cercles de
la haute société, les modes de Paris régnent aujourd’hui
sans mélange des coutumes locales ? Ceci peut intéresser
notre industrie, mais ii’a [iliis rien de pittoresque ni
d’oriainal.
« La direction que nous avions à suivre devait nous
i’aire jiasser devant le couvent de Santa Clara*, un des
plus remarquables de Lima. Nous lui donnâmes un coup
d’oeil en passant; et, tournant à gauche, nous primes
une rue qui nous conduisit hors la ville , à l’entrée du
chemin sablonneux qui aboutit au Panthéon.
« Je cherchais un imposant édifice, surmonté d une
belle coupole, tel qu’oii voit encore le Panthéon de
Rome ou le Panlliéon de Paris. Je trouvai un enclos,
dont l’enceinte réunit uii certain nombre de cases, placées
sur plusieurs rangs, les unes au-dessus des autres :
simple ossuaire, où chacun peut marquer sa place et
acheter le droit de reposer après sa mort, s’il a de
quoi payer la rétribution exigée. Une de ces cases,
achetée par les négociants français, au prix de deux
mille piastres, contenait la dépouille de M. Moulac; elle
attendait encore la plaque de cuivre qui devait en fermer
l’entrée. Elle n’avait d’ailleurs rien de remarquable, ni
par sa position, ni par sa forme. Cette vue m’attrista, et
je me hâtai de sortir, toujours suivi de mon fidèle com-
' La vue extérieure de ce couvent est reproduite dans VAlbum his-
torique, planche n° 30.
Bonite. — Relation du voyage. Tome II. 4