arrivée au Callao, tontes mes précautions étaient prises
pour m’assurer le [ilaisir d’admirer par moi-méme les
merveilles qu’on m’avait contées de la grande cité péruvienne.
Un de mes bons camarades avait bien voulu se
charger pour deux jours de mon service à bord; j’avais
mis de côté quelques économies pour les frais du
voyage; j’obtins sans peine la permission du commandant
et je partis. Je n’étais pas seul; deux de mes compagnons
de voyage descendirent à terre en même temps
que moi ; d’autres, encore plus favorisés, nous avaient
précédés le matin.
« Une voiture publique part, deux fois par jour, du
Callao pour Lima. Nous courons retenir des places; il
n’y en avait plus qu’une de libre et nous étions trois.
Attendre au lendemain n’allait pas à notre impatience :
un de mes compagnons prit la place vacante ; l’autre fit
comme moi : nous partîmes à cheval.
Route du Callao à Lima.
« Il n’eût pas été sûr de prendre ce parti quelques
mois auparavant, tandis que durait encore la guerre de
Sallabéry contre Orbégoso, ou plutôt contre Santa-Cruz.
Alors, des bandes de monténéros, partisans armés pour
l’une ou l’autre faction, parcouraient la campagne et
infestaient les grandes routes. Le voyageur isolé les rencontrait
par groupes de six ou huit, armés jusqu’aux
dents, qui lui barraient le passage et lui demandaient.
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non pas comme les voleurs ordinaires : la bourse ou la
vie; fi donc ! « Quelque chose, s’il vous plaît, pour ache-
« ter de la poudre!... « Il fallait s’exécuter de bonne
grâce. Un don patriotique de quelques piastres était une
suffisante rançon. Mais malheur à qui voulait esquiver
cette contribution, ou opposer quelque résistance ! Huit
carabines, levées en même temps, le dispensaient de
continuer son voyage. Or, comme une fois mort il n’avait
plus besoin de rien, les monténéros prenaient tout.
i( La paix a mis fin à ce brigandage ; les monténéros,
dispersés par les forces régulières, ne paraissent plus, et
la route est très-fréquentée. Cependant on a cru prudent
de conserver à La Légua, à mi-chemin environ du
Callao à Lima, un poste de soldats pour la sûreté des
voyageurs.
« La campagne est belle et riche aux environs de
Lima; nos yeux, attristés quelques jours avant du sombre
aspect des arides montagnes de Cobija, se reposaient
avec délices sur la vallée riante que nous traversions en
ce moment.
« Je devais, en passant, donner un coup d’oeil à l’église
de La Légua, qu’entourent quelques maisons. Les voyageurs
s’y arrêtent volontiers pour se rafraîchir; nous
fîmes comme ces voyageurs et j’en profitai pour dessiner
la vieille église en ruines et le site pittoresque qu’elle
décore‘.
' Voy. la planche n” 26 de VAlbum historique.