Beauté de la eampagiie aux environs de Lima.
« Le chemin devient de plus en plus agréable à mesure
qu’on approche de Lima. 11 est orné, de chaque
côté, d’une double rangée de grands saules, qui protègent
le voyageur de leur élégant ombrage. Plus près de
la ville, ce sont de charmants jardins, où les bananiers,
les orangers en fleurs, mêlent leur feuillage à celui des
arbres d’Europe; car, dans ce pays favorisé, la nature
rassemble à plaisir les richesses de tous les climats. Un si
beau pays n’eût-il pas renfermé les mines d’or et d’argent
qui gisent au sein de ses montagnes, avait bien de quoi
tenter la cupidité des compagnons de Pizarre et attirer
le grand nombre des familles espagnoles qui en firent
leur nouvelle patrie. Pourquoi faut-il que cette conquête
ait coûté tant de sang et de crimes, et que la civilisation
européenne n’ait pu s’y implanter que sur les ruines de
cette autre civilisation que révèlent encore les restes partout
répandus de l’industrie des enfants du soleil. La population,
issue des anciens habitants indigènes, conserve,
nous a-t-on dit, une patriotique indignation de ces excès.
Le nom de Pizarre est en exécration parmi elle et elle n’a
point perdu le souvenir de la gloire de ses Incas. Asservie
par les Espagnols, elle a vu les richesses de son territoire
passer en leurs mains ; elle a senti la lourdeur du joug
étranger et s’est associée avec empressement aux efforts
qui ont amené l’indépendance du Pérou. Mais cette nouvelle
révolution a été souillée elle-même par de nouveaux
excès, qui n’étaient pas même des représailles. De quel
nom qualifier la proscription et l’exil en masse de tous
les Espagnols? la confiscation ou le pillage de leurs
biens ? les cruautés exercées contre tout ce qui voulait
rester fidèle à la mère patrie, dans ces jours où San
Martin, maître de Lima, n’avait pourtant pas encore
réussi à détruire les derniers vestiges de la puissance
royale ?
(( Les plus belles contrées du monde sont aussi celles
où les passions humaines ont le plus exercé leurs ravages,
comme s’il fallait absolument du sang pour engraisser
la terre !
Aspect de la ville.
« Partis à quatre heures du Callao, nous arrivâmes à
Lima à cinq heures et demie. Je fus frappé de l’aspect
imposant de cette capitale. Ses dômes, ses clochers
nombreux qu’on aperçoit de loin, révèlent tout d’abord
une grande cité. Aucune ville, dit Bazil-Hall, n’a une
apparence aussi brillante; il dit vrai. Nous ne l’avons
pas vue dans les beaux jours de ses grandeurs d’autrefois;
il ne restait guère de ses palais, de ses arcs de
triomphe, que quelques ruines. Seules, peut-être, ses
quatre-vingts églises sont restées debout, comme pour
attester la puissance de cette religion qui ne doit pas
périr et contre laquelle les révolutions elles-mêmes ne
sauraient prévaloir.