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snlaires, qu’on ne parviendrait pas à faire prendre du
vin ou des liqueurs spiritueuses au Kanaka qui se dit
clirétien. Celui même dont la foi religieuse est moins
sincère ou moins solide n’ose pas en accepter, de peur
d’être dénoncé et puni.
Cela ne veut pas dire que les moeurs des Kanakas
soient devenues en réalité beaucoup plus sévères, quand
ds se croient à l’abri des regards de leurs surveillants;
(pi’ils se fassent un grand scrupule de s’approprier en
cachette le bien d’autrui, ni qu’ils soient complètement
insensibles au plaisir de s’enivrer, s’ils peuvent le faire
sans crainte du châtiment. Mais ces infractions tout individuelles
ne sont pas du moins avouées; il s’y attache
une certaine honte et c’est ce qui témoigne le plus de la
transformation des idées et des progrès de la civilisation
.
Quelques réflexions sur le système suivi par les missionnaires.
On reprochera peut-être aux missionnaires de n’avoir
pas toujours consulté l’intérêt du bien-être de leurs disciples,
dans les prescriptions qu’ils leur ont imposées en
vue de leur réformation morale. La sagesse aurait voulu
peut-être plus de tolérance à l’égard de ceitains usages,
dangereux sans doute ailleurs et mal séants d’après nos
idées, mais qui n’avaient peut-être pas les mêmes inconvénients
aux îles Sandwicb.
Delille a dit en parlant d’Otaïti :
Où l’amour, sans pudeur, n’est point sans innocence,
I.a pudeur est un sentiment né de la conscience du
mal. Elle n existait point pour nos premiers parents avant
leur chute, et ses règles ont depuis varié selon les lieux,
les temps et les idées reçues. Adam et Ève crurent pouvoir
satisfaire à ses exigences à aussi peu de frais que les
naturels des Sandwich et la plupart des peuples sauvages.
Notre civilisation est plus difficile. Cependant tel est
1 effet de 1 habitude, que, dans nos colonies, où naguère
les esclaves étaient à peine vêtus, la vue d’un noir ou
d une negresse à peu près nus ne produit aucune impression
sur les blancs les plus attachés à toutes les règles
que la modestie leur impose à eux-mêmes relativement
au costume. Était-il absolument nécessaire de se
montrer plus rigoureux à l’égard des Sandwichiens? Je
pose la question sans vouloir la résoudre. Les faits doivent
parler tout seuls.
En imposant aux classes malheureuses l’obligation de
porter des vêtements, les missionnaires ne leur ont pas
donné les moyens nécessaires pour se les procurer et
pour avoir de quoi en changer fréquemment. II en résulte
que leurs misérables baillons, dont ils ont hâte de
se dépouiller dès qu’ils rentrent dans leur cases , sont
d’une saleté repoussante. Ajoutons que les individus
eux-mêmes sont condamnés à n ’être pas plus propres
que leurs habits. La natation , exercice favori des naturels
de ces îles, dont l’usage entretenait leur santé, est
absolument interdite aux femmes, qui ne peuvent pins
Bonite. — Relation dit voyage. Tome II. 23
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