1 1 o VOYAGE
Prêt à se lancer de nouveau à travers des mers inconnues
pour lui, il songe à la France, à ceux qu’il y a
laissés et qu’il ne doit de longtemps revoir. Le double
des rapports qu’il a remis au Basilisk est là parmi plusieurs
lettres qui dans trois mois porteront à ses amis,
par la voie de Panama et Cbagrès, des nouvelles de son
voyage jusqu’à Guayaquil.
Llles sont bonnes jusque-là. Tout lui a souri pendant
la première partie de la campagne que demain il va
[loursuivre. La santé de son équipage est parfaite, les
quelques hommes que la fatigue et la nourriture salée du
bord avaient éprouvés, se sont rétablis à l’aide de rafraîchissements
qne les dernières relâches leur ont procurés.
De tous les passagers qu’elle avait mission de porter
sur divers points du globe, il ne reste plus que M. Barrot
et M. Hébert; les autres sont arrivés heureusement
au terme de leur course. La traversée de l’Atlantique, le
dangereux passage du cap Horn, la navigation sur les
côtes occidentales de l’Amérique du Sud, les nombreux
mouillages et appareillages de la corvette se sont accomplis
sans le moindre accident; partout l’expédition a
reçu le meilleur accueil et trouvé le moyen d’exécuter
d’intéressants travaux. La Bonite a pu même en passant
rendre quelques services aux navires du commerce français.
Que de sujets de satisfaction!
Lt pourtant le commandant ne peut se défendre
d’une préoccupation pénible ; est-ce un pressentiment
de futures traverses où des dangers qu’il peut courir?
DE I,A BO.MTE. Ml
Non. 11 se coidie à la Providence et compte sur sa protection
qui ne lui a jamais manqué.
Au moment de dire adieu à la terre d’Amérique qui
vient de se montrer si hospitalière pour lui, M. Vaillant
pense à l’état dans lequel il a trouvé toutes les contrées
de ce vaste continent, aux troubles qui les agitent et
s’opposent au développement de leur prospérité. 11 calcule
ce que pourrait être cette terre, que la nature a
dotée de tant de richesses, si la paix, la civilisation, le
travail arrivaient un jour à féconder ses ressources. Il
pense aux avantages que le commerce de notre pays
pourrait trouver dans ses relations avec cette partie du
monde, et compare ce qu’il deviendrait alors avec ce
qu’il est aujourd’hui. Il récapitule les renseignements
qu’il a pu recueillir dans toutes ses relâches, sur l’importance
des opérations françaises dans cette partie du
globe, sur les causes qui en arrêtent l’essor, sur les
moyens de les favoriser et de faire enfin disparaître l’infériorité
relative de notre commerce à l’étranger. Grave
sujet de méditation, en effet, et bien digne d’occuper
tout homme sérieux, ami de son pays; sujet bien vaste
et qui embrasse une foule de questions dont l’examen
même rapide exigerait plus de temps qu’on ne peut en
donner à leur étude dans un voyage comme celui de la
Bonite.
,Te n’ai point la prétention de traiter ces questions intéressantes.
Bien d’autres s’en sont occupés et peut-être
reste-t-il aujourd’hui peu de choses à dire sur cette ma