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respect ce prince peu accoutumé à un pareil spectacle.
M. Vaillant, après avoir conduit dans son appartement
la princesse Kinau, s’empressa d’inviter le roi à descendre
aussi ; mais Kanikéaouli, tout à son admiration,
restait fixé à la place où il s’était d’abord arrêté. Adossé
à la dunette, il ouvrait de grands yeux et semblait sourd
à tout ce qu’on lui disait.
Il manifesta le désir de voir faire l’exercice aux hommes
rangés sous les armes. Aussitôt et sur un signe du commandant,
les marins de la Bonite exécutèrent, avec une
précision remarquable, les maniements du fusil auxquels
on les avait depuis longtemps habitués ; les divers mouvements,
la charge en douze temps, les feux de peloton
et les feux de file se succédèrent à la grande satisfaction
du roi qui en paraissait émerveillé.
« Ces hommes, lui dit alors M. Vaillant, ne sont point
des soldats ; ce sont des matelots dont le métier est plutôt
de manoeuvrer un navire. Mais le roi de France a
une armée de quatre cent mille guerriers encore mieux
exercés, toujours prêts à marcher contre l’ennemi, et il
peut en mettre sur pied un nombre double au premier
signal de guerre. Du reste, ajouta-t-il, j ai la cent cinquante
hommes, propres, comme vous le voyez, à faire
le métier de soldat à terre où je puis les jeter au besoin
en quelques instants. »
Les chefs composant la suite du roi étaient montés à
bord pendant cette scène ; ils étaient au nombre de
vingt, tous en uniforme. M. Stepban Reynolds, faisant
fonctions de consul des États-Lnis, se trouvait aussi
parmi eux.
L’exercice terminé, M. Vaillant demanda au roi la
permission de lui présenter nominativement les officiers
de la Bonite, et il le conduisit dans sa chambre où les
attendait la princesse Kinau.
Celle-ci s’extasiait de son côté sur les dispositions des
appartements, sur la propreté qui régnait partout et surtout
sur l’ameublement qui lui semblait fort beau. Elle
était en admiration devant un portrait en pied du roi
Louis-Philippe, et prenait plaisir à se mirer elle-même
dans la glace placée en face.
Kanikéaouli ne se montra pas plus difficile. Il louait
tout, touchait à tout et demandait, en indiquant chaque
objet, l’usage auquel il pouvait servir.
M. Vaillant lui présenta successivement chacun des
officiers de son état-major en les désignant par leur nom,
et il proposa ensuite au roi de visiter la corvette.
La vaste batterie de la Bonite offrait un ordre parfait.
Son étendue, dont le prince n’avait d’avance aucune
idée, sa double rangée de canons, soigneusement
entretenus, la disposition des armes autour de chaque
pièce, les pompes, les espingoles, les râteliers garnis de
fusils bien entretenus, les fanaux, tout enfin intéressa
vivement son attention. Il faisait tout haut, en s’adressant
à sa suite, des exclamations qui témoignaient à la
fois de son étonnement et de l’impression produite sur
son esprit par cet appareil de forces si supérieures à