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260 VOYAGE
on les a déportés sur une côte inhospitalière et abandonnés
sans ressources comme des betes feroces a
douze ou quinze lieues de tout pays habite. Pense-t-on
que j’aie pu l’apprendre sans indignation en arrivant
ici? «
Le commandant, en disant ces paroles, auxquelles le
ton de sa voix donnait une expression plus prononcée,
fixait Kinau qui baissa les yeux.
Toutes les personnes présentes étaient interdites; le
roi se troublait et n’osait parler. Il essaya pourtant de
s’excuser, alléguant qu’il ignorait qu’on eût laissé les
missionnaires catholiques sur une côte inhabitée.
(( Vous l’ignoriez ! reprit le commandant, et c’est en
votre nom que la chose s’est faite ! Qui donc ose ici se
mettre à la place du roi ou agir contre ses ordres ? Mais
vous n’ignoriez pas du moins qu ils étaient expulses
d’Oahu; qu’avaient-ils fait pour cela? avez-vous quelque
plainte à former contre ces hommes paisibles et respectables?
avaient-ils transgressé les lois ou les coutumes du
pays? leur conduite était-elle répréhensible en quoi que
ce soit? prêchaient-ils des doctrines contraires à l’obéissance
que tout Kanaka doit à son souverain ?
Non, répondit timidement Kanikéaouli, mais ils
enseignaient une religion autre que celle du pays, et j’ai
craint que cela ne suscitât des querelles entre les habitants.
Et vous n’avez pas craint le courroux de la
France, en traitant ainsi, sous un vain prétexte, deux de
ses sujets qui ne l’avaient pas mérité ! Rendez grâce à
ces hommes de paix qui ont été assez bons pour ne pas
se plaindre, car s’ils avaient écrit en France pour dénoncer
la violence commise à leur égard, notre puissant
souverain ne l’aurait point laissée impunie. Vous avez
été injuste en abusant de la force contre des étrangers
inoffensifs ! Qui m’empêche, à mon tour, d’user de la
force pour en tirer une juste vengeance? je n’ai qu’un
mot à dire et ces canons vont démolir vos forts, couler
vos bâtiments et détruire la ville de fond en comble !
Que diriez-vous si je le faisais?... Savez-vous, ajouta-t-il,
comment la France se venge de ceux qui sont assez imprudents
pour l’offenser? Je vais vous le dire. >:
Là-dessus il rappela sommairement les principaux
traits des expéditions d’Alger et de Lisbonne.
Le pauvre roi ne savait plus où il en était; sa soeur
Kinau, qui se sentait la plus coupable, avait perdu toute
son assurance ; elle courbait la tête et n’osait dire un
mot.
Satisfait alors de l’effet qu’il venait de produire,
M. Vaillant ne crut pas devoir prolonger davantage
l’anxiété de ses hôtes. « Rassurez-vous, dit-il au roi, en
prenant cette fois un accent plus bienveillant, si la France
sait châtier ceux qui la bravent, elle sait pardonner. Les
Français sont de bons et fidèles amis pour ceux qui
montrent à leur égard de bons procédés. Il vous reste
d’ailleurs un sûr moyen de vous concilier la faveur de
mou souverain. Vous avez encore parmi vous deux
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