Qu attendons-nons encore pour partir?... A cheval! à
cheval !... Le roi et le commandant, côte à côte, prennent
la tête du cortège, la colonne s’ébranle, et bientôt,
sortis de la ville, nous chevauchons sur la route qui conduit
au Paris.
« Nous avions déjà fait à pied la même promenade en
suivant la riante vallée d’Honolulu ; mais alors rien ne
troublait le calme paisible de la vallée. Aujourd’hui tout
a changé d’aspect autour de nous : la solitude s’est
animée.
« Une quarantaine de cavaliers, bien montés, grands
dignitaires de la cour, passagers ou officiers de la Bonite,
se pressent sur les pas du souverain des Sandwich.
Autour d eux, les Kanakas qui n’ont pu louer leurs chevaux
caracolent sur les côtés de la route , cherchant à
faire ressortir les qualités de leur monture. En avant et
a la suite du cortège, une foule de Kanakas à pied, filles
et garçons, couronnés de fougères et parés de leurs plus
beaux colliers de fruits jaunes, remplissent l’air de cris
joyeux.
(1 Bientôt ont disparu derrière nous et les champs de
taro et les vertes prairies ; le nombreux cortège suit en
serpentant un sentier resserré et se perd peu à peu dans
les bois; nous marchons à la file les uns des autres,
gravissant parfois avec difficulté le chemin devenu plus
abrupt. C’était le moment favorable pour les traînards
de rallier le reste de la bande.
« Je cherchais des yeux le commissaire qui, dans des
occasions semblables, dédaigne ordinairement les plaisirs
de l’équitation. Fidèle à ses habitudes, il n’avait
point pris de cheval ; en regardant en arrière, je l’aperçus,
bien loin encore, assis avec une résignation comique
dans une espèce de carriole que traînait une bande
de Kanakas. C’est ainsi, du reste, que les personnages
les plus distingués du pays ont coutume de se faire voi-
turer; mais tout chemin n’est point praticable même
aux carrosses sandwichiens. Bientôt les irrégularités de
la route durent faire renoncer notre commissaire à son
élégant phaéton; continuant sa route à pied, il eut bientôt
atteint le corps de la troupe. Ce ne fut pas toutefois
sans fatigue, car il faisait une chaleur accablante.
« Dans toute autre circonstance, il n’aurait probablement
pas été plus avant sans faire une balte au pied de
la cascade que nous entendions murmurer à quelque
distance au-dessous de nous.
L a cascade.
M Cette cascade, qui n’est point celle dont j’ai parlé
ailleurs, se jette dans un bassin large et profond, oii
chacun de nous venait journellement jouir des plaisirs
du bain. C’était le but de promenade des officiers chargés
des observations pendant leurs courts moments de
loisir*. Jamais les naturels ne manquaient de les y suivre,
‘ M. Fisquet, journal particulier.