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celles dont il pouvait disposer lui-même. Ce sentiment
se trahissait surtout quand ses regards se portaient sur
la j)uissante artillerie du bâtiment français.
M. Vaillant s’en aperçut.
« Ces canons, dit-il au roi, sont en bon état, n’est-ce
pas? Cinq minutes suffisent pour mettre la Bonite en
branle-bas de combat et pour faire feu des deux bords !
Voici la caronade de la chaloupe et les espingoles pour
armer les embarcations ! en moins d’un quart d’heure
tout cela peut être prêt pour aborder une plage et mitrailler
tout ce qui tenterait de résister ! » Ces quelques
mots et d’autres semblables que le commandant plaçait
sans affectation, à chaque remarque du roi, paraissaient
faire impression sur lui, comme la révélation d’une puissance
qu’il n’avait pas jusqu’alors soupçonnée.
En revenant vers l’appartement du commandant,
Kanikéaouli demanda s’il y avait à bord des maîtres
d’armes. M. Vaillant lui répondit affirmativement et lui
proposa d’être témoin d’un assaut, ce qui parut le réjouir
beaucoup.
Peu de temps après, toutes les dispositions étant faites
pour ce nouveau genre de spectacle, on plaça sur le
pont un fauteuil destiné au roi, des chaises pour Kinau
et pour le commandant qui s’assit entre les deux, et,
toute l’assistance s’étant rangée en cercle autour de ce
groupe, l’assaut commença.
Le sabre était l’arme des combattants. Ils s’y montrèrent
fort babiles et le roi parut enchanté; mais il le fut
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bien davantage d’un second assaut au bâton. Comme il
semblait surtout se plaire à la vue de ce genre de combat,
le commandant lui dit qu’un habile bâtonniste pourrait
tenir tête à quatre hommes le sabre à la main. Ne
vaut-il pas mieux dans ce cas apprendre à manier le bâton,
reprit alors Kanikéaouli, plutôt que de s’armer d’un
sabre i On eut peine à lui faire comprendre que le bâton
n’était point l’arme d’un guerrier, et, quoi qu’on pût lui
dire à ce sujet, il conserva si bien sa prédilection pour
cet instrument de défense, qu’il pria le commandant
d’autoriser un maître d’armes de la corvette à venir lui
donner des leçons afin d’apprendre à s’en servir. Il
n’avait pas à craindre un refus.
L’assaut finit peu de temps après et l’on redescendit
chez le commandant. Lne collation composée de gâteaux
de toute espèce, de dragées, de confitures et de
fruits glacés y avait été servie. M. Vaillant fit asseoir le
roi et sa soeur, et leur offrit de toutes les friandises dont
la table était couverte. Il y avait avec eux, dans sa
chambre, le mari de Kinau, le secrétaire du roi et deux
autres chefs. M. Gaudichaud, M. Chaigneau et le lieutenant
aidaient le commandant à faire les honneurs de
chez lui. On avait aussi admis M. Gravier comme interprète
et le consul d’Amérique comme spectateur.
Les petits gâteaux, les fruits confits, les dragées surtout,
parurent fort du goût du royal visiteur et de sa
toute-puissante compagne. Ils les arrosaient fréquemment
d’abondantes rasades de vins de Frontignan, de
Bonite. — Relation du. voyage. Tome II. 17