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« Taudis qu’il grommelait à quelques pas de moi el
que, sans paraître l’entendre, je fumais ma pipe de fort
mauvaise humeur sur le gaillard d’arrière, je vois à peu
de distance, par notre travers sons le vent, une colonne
d’eau qui s’élève et brille au soleil. Un second jet d’eau
paraît au même inslani, tout près du premier, puis un
troisième, puis un (juatrième ! C’était une bande de cétacés
qui venaient nous faire visite.
« A l’eau les embarcations ! et au plus tôt paré ! ! «
« Mon gaillard ne se le fit pas dire deux fois : il était
ardent à l’ouvrage et la vue de l’ennemi l’exaltait.
« 11 s’élance avec ses camarades dans la première embarcation,
j)ique droit aux baleines, et bientôt son harpon
va se planter dans le dos de celle qu’on voyait le
plus près de nous. Le monstre plonge et peu après reparaît
sur l’eau; mais, dans le même moment, une autre
était aussi harponnée : leurs évolutions furieuses commencèrent
à décrire sur la mer des lignes blanchâtres
qui se croisaient en tous sens. Tout à coup l’embarcation,
montée par mon raisonneur, se trouve prise entre
les deux baleines, qui la choquent à la fois d’un bord et
de l’autre, la brisent en mille pièces et envoient au fond
de la mer ceux qui la montaient.
(( Un seul parvint à se sauver : c’était mon coquin. Le
diable à qui il appartenait l’avait sans doute protégé !
« Pour comble de malheur, les deux baleines s’échappèrent
et je fus obligé de relâcher- sans avoir rien pris ;
mais la première chose que je fis en arrivant au port
fin de me débarrasser du barponneur. Ce mauvais garnement
m’avait porté malheur. >i
Le fait d’une embarcation brisée par deux baleines
n’a rien en soi de bierr incroyable; et, sauf les détails
dont il plut au capitaine anglais d’embellir son histoire,
ses auditeurs purent sans se commettre y ajouter foi.
Mais en voici un autre qui paraîtra plus fort; libre à
chacun d’en croire ce qu’il voudra.
« C’était au cap de Bonne-Espérance que la chose se
passa. (Le vieux baleinier ne dit pas quand; il avait
même oublié le nom du navire ; mais il était sûr de
l’exactitude de tous les détails, pour les avoir entendu
raconter par un de ses camarades qui avait servi précédemment
sur un bâtiment où se trouvait un vieux loup
de mer dont il tenait cette histoire et bien d’autres encore.)
« Donc, en je ne sais plus quelle année, un beau navire,
bien espalmé, faisait tranquillement la pêche sur le banc
des Aiguilles. C’était dans la bonne saison et il faisait
beau temps ; seulement la mer un peu houleuse, par suite
d’un ras de marée qui régnait probablement à la côte,
rendait assez difficile la manoeuvre des embarcations.
« Arrive une baleine énorme.
« Deux baleinières se mettent à ses trousses, mais le
gros poisson filait vite; on fut plus de trois heures sans
pouvoir ia joindre. On l’avait manquée déjà plusieurs
fois lorsque enfin un des harponneurs, plus adroit que
les autres, lui envoie sa lance et l’atteint.
Botîitr, — Re.lafinn du voyage, 'l'onte U, 20
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