actil's et aveulureux iiii avantage i|ue n’ofiVent jias les
voyages par terre : c’est la variété. Porté sans transition
d’un pays dans un autre tout différeul par sa constitution
physique, par ses productions, ses usages et ses
moeurs, le voyageur saisit avidement ces caractères
rendus plus frappants par le contraste. Sa curiosité sans
cesse excitée par des objets nouveaux n’a pas le temps
de se refroidir. Plus il voit, plus il veut voir encore, et
ia satiété ne vient jamais détruire le plaisir qu’il trouve
à courir le monde. Aussi le voyons-nous, après un premier
voyage, tout aussi ardent à s’élancer vers d’autres
lieux; il est rare que celui qui a une fois goûté ces jouissances
ne veuille pas les éprouver encore.
Pour les esprits graves et réfléchis, qui aiment au contraire
à approfondir un sujet, plutôt que d’en effleurer
plusieurs en passant, ces courses rapides d’un bout à
l’autre de l’univers sont une perpétuelle occasion de regrets
et de déceptions. Nouveaux Tantales, ils voient incessamment
leur échapper l’aliment que leur intelligence
laborieuse poursuit avec avidité ; à peine un objet d’études
intéressantes s’offre-t-il à eux, qu’il faut partir et
abandonner les recherches commencées. On ne moissonne
pas, on glane dans un voyage de circumnavigation.
La Bonite quittait pour n’y plus revenir cette terre
d’Amérique qui n’est déjà plus un nouveau monde mais
sur laquelle il y a tant à faire encore, tant à étudier.
Elle n’avait fait que loucher sur quelques points de son
long rivage; les plus favorisés des voyageurs qu’elle
emmenait à travers les mers avaient eu à peine le temps
d’entrevoir le pays, ses habitants et ses richesses naturelles.
Quant à l’équipage, il avait dû se contenter, la
[ilupart du temps, de voir la terre de loin sans y poser le
pied : c’est le sort habituel du marin. Et pourtant, chez
le plus grand nombre, le plaisir d’aller visiter des contrées
nouvelles ne laissait aucune place au regret de
jiartir sans avoir mieux vu celles qu’on abandonnait.
Leur pensée n’était plus aux plages américaines qu’ils
apercevaient encore à l’horizon; elle était tout entière
aux îles Sandwich vers lesquelles tendait maintenant
leur voyage. Pareils au jeune homme ardent et insoucieux
qui se lance joyeux dans la vie, ils ne portaient
point en arrière leurs regards toujours fixés sur l’avenir
; car pour l’esprit jeune dans la science, comme pour
l’homme jeune dans la vie, il n’y a point de passé.
Celui qui a beaucoup vécu est dans de tout autres
dispositions : l’avenir ne lui appartient pas ; il aime à
jouir du présent, à récapituler les ans écoulés ; le vieillard,
dit-on, vit de souvenirs. De même celui que de
longues études ont habitué à la réflexion ne quitte pas
sans peine un travail ébauché pour courir après des
idées nouvelles ; il aime à lier ses observations d’aujourd’hui
aux connaissances qu’il avait déjà; il cherche l’enchaînement
des faits, les conséquences des données
acquises ; il ne se contente pas de remarquer en passant
un phénomène dans l’ordre physique ou dans l’ordre