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II
Il était impossible de saluer eu ce moment le grand
chef d’Hawaii. Le commandant s’en excusa et remit à
deux heures plus tard les coups de canon destinés à fêter
l’arrivée de l’illustre visiteur.
Tous les voyageurs dépeignent Koua-Keni sous des
traits favorables et assez ressemblants. C’est un homme
de bonne mine et d’une physionomie avenante; une
taille presque gigantesque, une corpulence énorme et
une tête proportionnée en grosseur à l’ampleur de son
corps, font au premier coup d’oeil reconnaître en lui la
race privilégiée des maîtres des Sandwich. Mais ce colosse
peut à peine se tenir sur ses jambes. Il marche péniblement
a 1 aide d’un bâton et en parcourant l’intérieur
du navire il semblait fort heureux de trouver dans chaque
bau un point d’appui pour s’empêcher de tomber.
Kékéli.
Près de lui se faisait remarquer un homme de la même
origine; chef par droit de naissance, simple particulier
par goût. Il se nommait Kékéli. Grand et gros comme
Koua-Keni, mais bien plus ingambe; bon vivant d’ail-
Jeiirs, qui par-dessus tout aimait ses aises, la bonne
chère et les liqueurs fortes ; détestant les missionnaires
qui défendent de boire et ne songeant qu’à ses plaisirs,
■sans s’inquiéter de sa dignité. Avec de telles inclination!
et aucune puissance dans le gouvernement, dont il se
tenait tout à fait écarté, il n’est pas étonnant que Kékéli
lie jouît d’aucuiie considération. C’était au surplus son
moindre souci. 11 se portait bien, jouissait de vastes propriétés
sur l’île Mawi, sa résidence habituelle, se grisait
sans contrainte comme sans honte, et sa figure sans noblesse
n’avait aucune disposition à rougir de quoi que
ce fût.
Réception faite au chef d’Hawaii.
Tels étaient les deux principaux personnages qui vinrent
visiter la Bonite en rade de Kearakekoua; M. Vaillant
les reçut de son mieux. 11 faisait une chaleur étouffante
qui invitait à se rafraîchir avant le dîner. Le
commandant comprit à merveille que rien ne serait plus
agréable à ses hôtes et que sa cave réussirait mieux que
tout autre interprète à entamer sur un bon pied les relations
qu’il se proposait d’avoir avec eux; aussi ne l’é-
pargna-t-il pas. Les rasades de vin de Frontignan se
succédaient avec une effrayante rapidité et disposaient
les coeurs à la bienveillance. De ce moment les Français
n’eurent que des amis parmi les Sandwichiens qui accompagnaient
Koua-Keni. Le commandant se hâta de
mettre à profit ces bonnes dispositions pour s’assurer
les moyens de ravitailler la corvette.
Kapio-Lani avait bien offert et déjà fourni quelques
provisions fraîches; mais l’honnête dame ne donnait
point ses patates; elle connaissait le prix de l’argent;
prisait fort peu les colifichets qu’on avait d’abord voulu
lui donner en échange et c’était pour de bonnes piastres