I
et suivant les traces de Kanikéaouli, toute la troupe par!
au galop.
(( Nos coursiers n’avaient pas moins bien dîné que nous ;
ils étaient pleins d’ardeur et de feu et semblaient partager
la gaieté générale. Seulement, comme ils n’avaient
bu que de l’eau, ils devenaient les guides de leurs conducteurs
et je dois dire à leur louange qu’ils s’en acquittèrent
fort lâien. Les inégalités du terrain n’arrêtaient
pas leur élan ; les passages les plus difficiles, qui en venant
nous avaient plus d’une fois engagés à mettre pied
à terre, furent cette fois franchis à la course sans aucun
accident.
La maison de campagne du roi.
« Ce fut ainsi qu’en un clin d’oeil nous arrivâmes à la
maison de campagne où nous nous étions arrêtés le matin.
De nouveaux plaisirs nous y attendaient*.
« Ce lieu résume à lui seul la physionomie du pays.
Qu’on se représente dans le lointain la mer et le ciel
alors tout embrasés des derniers feux du soleil couchant;
au-dessous de nous, la belle et riche vallée avec ses
plantations de taro et les mille canaux qui les fertilisent
; à gauche, la montagne cachant dans les nuages sa
cime toujours humide ; près de nous, de grands arbres,
une végétation vigoureuse, un torrent qui, creusant son
lit dans la lave, tombe de cascade en cascade et s’enfuit
' M, Fisquet, jomnal particulier.
au loin vers la mer; enfin, quelques cases en paille,
seules constructions que la magnificence royale se soit
permises jusqu’ici; partout, la nature belle et florissante,
mais sauvage et désordonnée.
« Tel était le lien de la scène; les acteurs y répondaient
parfaitement.
(( La présence du roi et l’éclat de la fête avaient attiré
line multitude de Kanakas. Rien de plus pittoresque,
que l’aspect de cette foule se pressant en rangs serrés
autour du cercle que formait la suite de Kanikéaouli.
(( Nous avions en ce moment le privilège d’attirer les
regards de tout ce monde, pour lequel nous étions un
objet de curiosité. Mais, à leur tour, hommes et femmes
nous donnaient le spectacle le plus bizarre et le plus attachant.
Leurs cris, leurs gestes, leur accoutrement, surtout
, nous divertirent beaucoup. L’un n’avait pour tout
vêtement qu’un chapeau, l’autre une paire de vieilles
bottes. Celui-ci se pavanait fièrement sous un fragment
d’habit, celui-là sous un gilet jadis blanc. Beaucoup étalaient,
sous la chemise bariolée du matelot américain,
leur large poitrine et leurs membres musculeux. Tous
avaient conservé le maro traditionnel, espèce de ceinture
qu’ils fabriquent avec l’écorce du mûrier à papier,
et qu’ils teignent de couleurs brillantes. Le plus petit
nombre, eu égard sans doute à la solennité de la circonstance
et au choix de l’assemblée, était réduit à ce
seul vêtement. Le costume des femmes était plus complet.
Une robe d’indienne, ou une simple chemise serrée