■I?i9
lli
î
J i
r;M
jî ■'
i
étendue mais fort bien décoré. De belles peintures richement
encadrées tapissaient les murs de cette pièce, deux
de ces tableaux, présent de la cour de Berlin, représentaient,
l’un le roi de Prusse, l’autre Blücher.
<( Deux autres portraits offraient les traits de Lio-Lio,
précédent roi des Sandwicb et de la reine sa femme,
morte ainsi que lui, en Angleterre.
il Ces peintures, faites par un artiste de la Grande-
Bretagne, avaient été portées à Honolulu par la frégate
/a Blonde, en même temps que les coi ps du malheureux
couple royal. En les contemplant nous ne pouvions
nous défendi’e de quelque émotion. Afoilà donc tout ce
qui reste de la mémoire de ce roi, qui pour s’instruire
au gouvernement de ses États, ne craignit pas d’aller
braver les dédains de la civilisation européenne! Encore,
s’il avait pu rapporter dans sou pays le fruit de ses remarques
et mettre eu pi atique, pour le bien de son peuple
, les enseignements qu’il avait puisés au contact de
nos moeurs ; mais la mort le surprit sur la terre étrangère
avant qu’il eût accompli son entreprise civilisatrice,
et le moraï qui renferme ses cendres, pauvre monument
sans caractère, situé en face de l’église d’Honolulu, ne
reveille aucun souvenir de reconnaissance dans l’esprit
du Kanaka, qui passe indifférent sans y jeter les yeux.
« M. Vaillant, pressé de retourner à bord, ne s’arrêta
pas chez le roi ; mais il nous laissa libres de rester, ce
(|ui parut réjouir beaucoup Kanikéaouli. Ce prince, que
les grandeurs el ie cérémonial (atigueni, semble heureux
t
de s’en affranchir dès qu’il le peut. De là , la familiarité
qu’il encourage chez les gens de sa suite et que quelques
personnes lui reprochent comme une atteinte à sa dignité.
La gravité du commandant et sa tenue toujours
digne et réservée, lui imposaient visiblement. Devant lui
il fallait être roi. Avec nous, au contraire, vive et bruyante
jeunesse, il pouvait à son aise dépouiller ce masque
d’emprimt et redevenir ce qu’il était surtout par goût,
jeune et ami du plaisir. Il ne dissimula pas sa satisfaction
de se trouver libre en si joyeuse compagnie. Rire, fumer,
chanter et boire ! était-il une meilleure manière de couronner
dignement cette journée ? Le roi ne le croyait
pas. Il donna lui-même l’exemple et chacun le suivit.
Il II fallait voir les chefs sandwichiens se livrant sans
réserve à leur bruyante joie ! On eût entendu de la rade
le bruit de leurs chants, dont des oreilles délicates auraient
pu se trouver offensées.
Il Le roi ne se possédait plus. Il marquait la mesure,
en frappant du talon la fine natte de son parquet ; puis
il nous serrait les mains avec effusion, nous appelant ses
bons amis, protestant de son attachement pour les Français
et pour la France. Il eût troqué dans ce moment les
sept îles de son royaume contre sept paniers de vin de
Champagne. Nous le quittâmes à dix heures du soir,
après avoir reçu sa promesse qu’il viendrait, sans façon
le vendredi suivant, déjeuner à bord avec nous »
fi llli