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Chypre et de Rivesaltes, qui leur semblaient des boissons
délicieuses. Ces vins liquoreux avaient, du reste,
été précédés par d’autres qu’ils n’avaient point dédaignés
non plus, comme le témoignaient plusieurs bouteilles
déjà vides de bordeaux, de champagne et de vieux
lamalgue.
Le roi se montrait tout joyeux. Kinau surtout goûtait
avec béatitude les plaisirs de la gourmandise satisfaite ;
sa figure s’épanouissait lorsque sa large main plongeait
dans le plat aux dragées, qu’elle honorait d’une prédilection
marquée.
Mais il y a fin à toutes choses, même aux provisions
de bonbons. Quand la princesse eut savouré la dernière
dragée, on apporta les liqueurs de France. Kanikéaouli
voulut goûter des six flacons qui garnissaient la cave de
M. Vaillant ; l’anisette et le curaçao le flattèrent agréablement,
et Kinau partagea son goût pour ces liqueurs ;
mais il fit la grimace quand ses lèvres trempèrent dans
l’eau-de-vie.
M. Vaillant fit inviter les chefs de la suite du roi à
descendre dans la salle à manger où l’on avait aussi préparé
pour eux une collation. Il ne pouvait lui-même
s’occuper d’eux; le lieutenant se chargea de les y recevoir.
Tout s’était passé jusque-là de la manière la plus amicale.
I.e roi et sà soeur, entourés de soins et de prévenances,
ne dissimulaient point leur satisfaction. Pourtant
l’observateur attentif eût démêlé certain sentiment
d’inquiétude dans les traits de Kanikéaouli. Peut-être
n’était-il pas le seul préoccupé.
J’ai rapporté déjà les rumeurs qui avaient eu cours
dans le pays au moment de l’arrivée de la Bonite ; il
n’était pas possible de supposer que le commandant
n’en eût rien appris par ceux dont il avait déjà reçu la
visite. Jusque-là, cependant, il n’avait rien dit qui parût
s’y rapporter ; mais sa réserve même et la gravité
de son maintien, au milieu des politesses qu’il prodiguait
au roi, laissaient celui-ci dans une pénible incertitude.
Lne explication devenait nécessaire; il la désirait
peut-être sans oser l’entamer. Il eut recours pour cela
au consul américain, et par son organe il exprima à
M. Vaillant le désir d’obtenir de lui un certificat attestant
que la Bonite avait trouvé un bon accueil dans ses
États.
C’était l’occasion que le commandant attendait. 11 eût
préféré peut-être que le compatriote des missionnaires
n’eût point été choisi pour témoin de cet entretien;
mais après tout, il était bon que chacun eût sa part de
l’impression qu’il devait produire.
A la demande qu’on lui adressait au nom de Taméaméa
III, la figure de M. Vaillant prit une expression de
sévérité. « Sans doute, répondit-il, la Bonite a été bien
accueillie aux Sandwich ; un bâtiment de guerre français
ne peut être que bien accueilli partout où il se présente.
Mais comment a-t-on accueilli d’autres Français venus
avant elle à Honolulu? On les a chassés brutalement.
!