ties. Des nattes étendues sur le sol, d’un seul côté, indiquent
la ])lace où se couclient les habitants. De l’autre
côté, le sol est nu, et c’est là que règne le foyer rustique.
» Dans la maison où je fus reçu, on avait poussé la
recherche jusqu’à séparer ces deux parties du logis par
une claie verticale de trois pieds de haut.
« Je m’assis sur des nattes à la manière de mes hôtes,
qui s’empressèrent de m’entourer et de m’adresser une
foule de questions accompagnées de gestes expressifs.
J’en comprenais quelques-unes, grâce à la pantomine de
mes interlocuteurs; et m’aidant de mon calepin, je réussis
assez souvent à leur répondre dans leur langage, ce
qui parut les étonner beaucoup. Je ne fus pas moins
étonné moi-méme de trouver parmi eux une certaine
instruction que leur costume ne devait par laisser pressentir.
« La, en effet, ne paraissait aucun signe extérieur de
la civilisation importée par les missionnaires. Hommes
et femmes, parfaitement à leur aise chez eux, s’y contentaient
du très-simple ajustement de leurs pères; la
ceinture appelée maro faisait tous les frais de leur toilette.
Cependant, la fantaisie m’ayant pris d’inscrire sur
mes tablettes les noms de quelques-uns de ceux qui
m’entouraient, une maiti se saisit de mon crayon, au
moment où j’estropiais im peu l’orthographe sandwichienne,
et celui qui m’avait ainsi arrêté, en me faisant
signe que je me trompais, se mit lui-méme à écrire le
nom plus correctement.
« Cette leçon reçue d’un sauvage tout nu, dans une
case de paille où rien ne rappelle la moindre idée des
arts et des connaissances de notre vieux monde civilisé,
me fit involontairement réfléchir. Que de gens dans
notre France si polie, si éclairée, parmi notre population
si intelligente, ne savent ni lire ni écrire !
« Ma surprise se trahit sans doute sur mon visage,
car le sandwichien me montra aussitôt, comme pour
m’expliquer ce qui m’avait frappé, un livre de prières,
une Bible, un traité d’arithmétique et un livre de géométrie
! Il paraissait les avoir étudiés ; et je pus m’assurer
que la plupart des assistants, aussi bien que lui, savaient
au moins lire et écrire leur nom. C’est le fruit le
plus évident des soins du missionnaire qui se livre à
leur instruction. Cependant aucun d’eux ne sait parler
anglais. Ils se bornent à la langue de leur pays et aux
signes qu’ils emploient avec une grande intelligence pour
se faire comprendre des étrangers.
« Dans les premiers moments de la relâche, les femmes
s’étaient tenues soigneusement cachées au fond de leurs
cases. Les jours suivants elles commencèrent à se montrer
au dehors ; j’en avais rencontré plusieurs dans ma promenade,
qui ne paraissaient pas moins empressées que
les hommes à lier connaissance avec les Français.
« Elles acceptaient avec joie les petits présents qu’on
voulait bien leur offrir, et, sans la crainte des châtiments,
elles les auraient volontiers achetés au prix de bien des
complaisances, que leurs manières agaçantes semblaient