HISTOIRE NATURELLE
toute la dureté de votre coeur, toutes vos
cruelles oppressions? Pensez-vous éviter la
commune destinée des mortels, et jouir en
paix du prix de tous Vos forfaits ?
Le malheur de l’espèce humaine n’est
point borné à une seule contrée ; il couvre
de son crêpe funèbre l’immense étendue des
continens. Des portes de l’aurore aux barrières
de l’occident, des pôles glacés auX
plages brûlantes de l’équateur || l’ame cosmopolite
voit en soupirant le vaste trcfupeau
de ses frères courbé sous le joug de la misère
et des calamités/ Est-ce des cieux qu’il implore
, que viennent tous ses malheurs *?'
non; c’est de son propre sein que s’élèvent
ces passions forcénées qui troublent sa félicite.
Ainsi nous * sommes ' de perpétuels
objets de fermentation. Rien ne reste semblable
dans le cours des siècles parmi les
hommes ; des convulsions sans fin déchirent
le?Éèin dés • peuplés. Rien ne survit que des
éternelles causes de bouleversement ; et
placés pour remplir un point dans l’immensité
de la durée , nous contribuons souvent
nous-mêmes à ces grands changemehs*
Enfin le démon des discordes ne s’appaise
que lorsqu’il est rassassié du sang des humains
; il ne se repose que sur îës monceaux
d’ossemens des nations qu’il a dévorées......
E n s’élevant à des considérations generales
sur la formation des langues| il est aisé de
prouver que l’homme élevé dans la solitude
n’a point l’usagé de la parole (1), de
cet art d’une invention si difficile. Le langage
a dû être, dans le principe, tout en signes
et en actions. L’homme qui a son cri part
ic u lie r ’^ ) , comme chaque animal, proféra
d’abord des accens inarticulés (5) ; il se servit,
pour premiers mots, de l’onomatopée ;
il employa les métaphores, les métonymies,
les allégories, et forma un discours d’autant
plus rempli de tropes (4) et plus poétique, 1 2 3 4
(1) j Ainsi.que sont lés hommes trouvés sauvages;
voyez Tulpiufi, 1. 4 > c. 10 ; lizaczinsky, p. 355 ;
Çonnor, etc; ; aussi Alex. Seïkirk, écossais délaissé
dans l’île de Juan Fernandès, au bout de quatre ans
en avoit presque, perdu l’usage. Voyez Hist. génér. des
voyages,, t. 12. Begert rapporte un exemple semblable
d’un californien.
(2) Jacob Savary, Erg6 ut cæteris animalibus, ho-
mini a sua vox péculiaris ; Paris, 1767 > in-4, præsid.
Petr. Ludw. Mar. Maloet.
(3) Pagès, Voy. à-ut. du monde, t. 1 , p. 175 , pense
que plus un peuple est sauvage, plus il retient de cris
inarticulés dans son langage.
(4) Bonnot de Çondillac } Origine de nos connoiss.
part. 2. Dumarsais, Tropes, c. 1 , etc.