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lerieur. En négligeant de profiter des travans
qui nous ont précédés, nous sommes obligés
de recommencer la carrière , au lieu de la
prendre où ils ont fini 5 ainsi les sciences
avancent moins aisément. Si les encyclopér
dies avoient entièrement refondu le système
des connoissances humaines, comme le de#
siroit le sage Bacon 5 si, loin de devenir une
entreprise mercantile, une spéculation pécuniaire,
un travail momentané, les gouyër-
nejnens eussent choisi les hommes, les pliis
célèbres pour rédiger , pour purifier à loisir
toutes les connoissances, pour en écarter les
hypothèses, le genre humain pourroit en
tirer quelque utilité.
Ainsi, dégagées de toute supposition ,. les
sciences physiques dont on peut tant enrichir
les beaux arts et même la poésie comine
l’a montré Homère, sont trop peu répandues;
quoiqu’elles soient incomparablement plus
utiles que la littérature. Ne devroient-elles
pas faire une partie fondamentale de la première
instruction ? On ne verroit pas les
habitans des campagnes devenir la proie de
funestes préjugés et d’opinions humiliantes
pour l’esprit humain. C’est à vous, gouver-
nemens barbares , qu’il faut s’en prendre ;
vous ayez rassemblé à grands frais dans les
cités, toutes les jouissances du luxe, tous
les trésors de corruption, au lieu de disséminer
les connoissances. utiles , et souvent
même indispensables dans la chaumière du
pauvre, dans l’asile du malheureux. Quelque
jour peut-êtrq, lorsque vous croupirez dans
l’indigne satiété des plaisirs , vous craindrez
qu’ils ne viennent, forts de votre foiblesse,
vous demander compte des devoirs qui vous
sont imposés. De quelle manière avez-vous
rempli l’engagement cfe les rendre heureux?
étoit-ce en les accablant d’exactions et de
rapines if
A dieu ne plaise que j’applique ceci à quelques
uns des gouvernemens les plus sages
de l’Europe ; j’observerai seulement que la
source de la dissolution des peuples gît dans
cette excessive disproportion de puissance,
de richesse, de connoissances, entre la tourbe
des nations, et leurs têtes les plus éleyéesu
Tout peuple parvenu à cet extrême doit
périr ; il'devient un cadavre insensible, à
toutes les stimulations vivifiantes, à toutes
les affections grandes et généreuses. Il faut
désormais le refondre au creuset de l’infortune
et de la barbarie ; .le rajeunir ainsi que
Médée, dans le sein de la nature pour l’élever
ensuite à un état de splendeur et de félicité.