a8o HISTOIRE NÀTÜRELÏiE
ment a tous les individus d’un peuple unè
communauté de prétentions et d’espérances
pour parvenir, avec du mérite * à tous les
honneurs et les emplois, vous déracinez tout
principe d’émulation, vous brisez tout ressort
de vie. Si vous n’accordez cette prérogative
qu’a un petit nombre, comme dans
les états oligarchiques, vous détruisez toute
la concurrence qui souffle, qui attise sans
-cesse le feu de la perfection. Si vous faites
^acception de l ’opulence ou des» personnes,
on sentira qu’il faut chercher de l’o r , et
qu’il vaut mieux intriguer , flatter, ramper,
que de recourir au vrai mérite. iDès lors
toute perfection est anéantie.
• A mesure que les eonnoissancès se propagent
et s’étendent, les passions s’agrandissent
avec de nouveaux besoins y créés par
de nouveaux désirs. Le langage doit donc
s’enrichir, se perfectionner, se régulariser
selon les lois de l’analogie. En devenant plus
juste et plus clair, la marché des* eonnois-
sances en devient plus rapide , parce que les
combinaisons du jugement sont plus faciles.
Mais les nations voisines de la nature sentent
plus vivement; leur langue est d’une concision
énergique, elle présente des tours
rapides, des inversions hardies, des expressions
pittoresques, vigoureuses, des senr-
tences graves et des métaphores poétiques;
elles tiennent plus du sentiment, les nôtres
du raisonnement. Celles-ci perdent en s’é^-
purant au creuset de la philosophie , tous
ces ornemens de la diction. La contrainte
de la civilisation amollit la force, dégrade'
l’élévation, efféminé la dignité du langage.
L ’éloquence n’a plus de prise; il semblé que
nous craignions d’être touches , .que nous
ayons peiir de sentir. Ainsi l e ; siecle de la
philosophiez fut toujours précédé par celui
de la pdésie. Tous les peuples héroïques
sont naturellement poètes et jamais 1 un ne
fut séparé de l’autre. Bardes ,'soaldes!, troubadours
, vous avez disparu avec les fiers
sentimens d’héroïsme des antiques | celtes.
Aujourd’hui moins 1 généreuses , mais plus
éclairées, votre voix s’est glacée parmi ces
nations ; elle ne peut point sè prostituer aux
vices ; elle né chante jamais avec succès les
mensongeS:jet les crimes, mais telle peut se
réveillerf encore aux accens du dieu des
combats, et aux soupirs de l ’amour.
Si l’esp rit gagne dé la maturité, en.:s o étant
de ces tems attrayans de son adolescence où
les illusions de la poésiel’ont plutôt enchante
que véritablement instruit, il n’a pas tout