h i s t o ir e naturel le
Ta maintenant habitué à rester droit dans
le lit. Lorsqu’il veut s’endormir, il se berce
pendant quelque tems. Je tiens ces details
de son gardien qui couchoit avec lui. Dans
le lit , il est très-tranquille et fort sage.
Il est devenu moins entier , moins sau-
vagej et, quoiqu’il fût naturellement doux,
il l’est encore davantage. Cependant il ne
faut pas l’aigrir par de trop vives contradictions
, ou par une gêne trop resserrée 5
alors il se fâche, pleure ^ pince , mord avec
force. Il hait (1 ) les enfans de son âge ; il les
fuit sans cesse. On suppose que cette aversion
vient originairement de ce qu’il en à
été poursuivi, lorsqu’il étoit encore dans
les forêts , car il paroît que les jeunes villageois
l’a voient plus d’une fois aperçu, selon
les bruits qui circulent dans les cantons où
il se tenoit (2 ).
Le jeune homme sauvage que nous voyons
sous nos yeux n’est pas méchant. 11 ne cherche
jamais à nuire, car il ne sait ce que c’est, 1 2
(1) Raciney fils, ibid., raconjte que la fille de Champagne
lui avoit avoué que quand elle voyoi t un enfant,
elle se sentoit tourmentée de l’envie dé boire son sang
tout chaud , comme d’un autre animal, p. 3p4^
(2) Bonnaterre, Notice historiq.:, etc.
et cela lui seroit parfaitement inutile. Quand
on le laisse libre et "tranquille, bien loin de
chercher à faire du mal , ou bien à tramer
des méchancetés cachées , comme la plupart
des en fans de son âge, il reste là comme un
parfait innocent. La méchanceté que pour-
roit faire un être n’en est une qu’aiitant
qu’on y met l’intention de nuire pet qu’on
sait causer de la peine et du dommage j maié
cette intention ne peut être supposée à
l ’homme naturel qui n’à nul rapport d’intérêt
avec nous, et qui ne s’élève pas encore
à cette connoissance du bien ét du mal, parce
qu’il n’aperçoit pas les résultats moraux. Il
pourroit occasionner du mal sans savoir le
faire ; il n’est pas assez savant pour cela :
ainsi on appelle bien et mal quelque chose
de très-équivoque, qui nVxiste qüè danë nos
rapports sociaux, et qui né s’étend point au
delà • de la société , hors de laquelle est la
sphère du sauvage. Il est donc impossible
que notre jeune aveyronais soit méchant ou
bon | il est .seulement doux. Ne s’occupant
que de lui - même ,•.de ses besoins , de sa
nourriture , il n’a aucun rapport avec nous.
Ainsi son ame ignorante et sau vage est sïm5
pte ; elle est cénnue du premier abord j elle
est exempte d’hypocrisie 5 elle ignore toute