538 HISTOIRE NATURELLE
de vie. Le savant, le philosophe, au contraire^
vivent entièrement dans leûE tête:
Je suis fâché de voir l’homme naturel si
égoïste ; mais j’ai dû le représenter tel qu’il
m’a paru. Je ne suis point étonné de le trouver
si paresseux', si insouciant pour toutes
les choses dont il n’a que taire. De quoi vou-
droit-oh qu’il se tourmentât lorsqu’ir est
repu ? Peut-être le sauvage cherche alors
son plaisi r ; mais cet en fant n’en eonnoît
presque aucun autre, si Ce n’èst d’êtré chatouillé
sur les côtés ; encore West-ce pas un
plaisir bien attrayant pour lui ^ celui de
manger surpasse incomparablement tous les
autres ; il s’ÿ applique de toute son ame ;
mais s’il étoit pubère , ses appétits preir-
droicnt sans doute alors une nouvelle direction.
Au reste, comme ses organes sexuels
ne seroient point sollicités par lés passions
et les connoissances de l’eSprit y mises en jeu
par nos institutions sociales et par les rap-
prochemens continuels des sexes ,sa puberté
serait naturellement tardive ( 1 ), à cause d u
I (i) Ainsi que Ruffbri l’avoit pensé, et J. J. Rôiià-
seau, d’après lui. La physiologie confirme cette opi-
DU GENRE HUMAIN.’ 53<)
peu d’alimens que lui offrë la terre inculte ;
de plus, il né eomioîtroit jamais, en restant
sauvage, que le physique de l’amour. Je ne
sais si la pudeur se développeroit alors, ou
bien s’il s’abandonneroit à sa passion sans
respect humain ; car où prendroit-il la con-
noissance du respect ?
Ce seroit ainsi un spectacle encore plus
curieux, aux yeux du philosophe naturaliste,
de voir cet enfant parvenu dans toute
sa simplicité sauvage à l’époque de sa puberté,:
et lorsque de nouvelles sources de
vie jaillissant de toutes parts , inonderoient
«oname dejiouveaux désirs. II. faudrait le
voir perdre sa stoïque indifférence près du
sexe, et | connaître les nouveaux rapports
qui en résulteroient pour lui. Je n’ignore
pas que son imagination demeurant assoupie,
et son moral n’éveillant pas son physique,
sa passion seroit moins-fréquente, et
suivroit peut-etre, ainsi que celle des animaux,
l’influence des saisons. Son égoïsme
s’étèindroit-il alors dans les bras d’une douce
compagne ? Cesseroit-il pour son foîble enfant?
Cet hômrne demeureroit-il au sein de
sa famille ou l’abandonneroit-il ? Quel progrès
feroit son intelligence sollicitée par de
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