D’un autre côté, presque tous les articles du commerce
de Solo ne trouvent leur écoulement que sur
les marchés de Chine, et personne n’est plus à portée
de s’en défaire que les armateurs de Manille, qui
ont les relations les plus suivies avec les mandarins
du céleste empire. On conçoit qu’avec de telles ressources
ces navires doivent avoir uné grande supériorité
d’économie sur les nôtres et de grandes
facilités pour baser des spéculations, si toutefois
le commerce de Solo encourageait une concurrence.
Le service que les matelots bisaÿas font à bord
des navires espagnols ne paraît pas être très-pénible ;
les navigations sont toujours de peu de durée, et ils
ont peu de temps à passer à la mer; mais d’un autre
côté ils sont assujettis à ne presque jamais descendre
à terre pendant les six ou huit mois durant lesquels
les navires séjournent sur la rade de Bewan pour
tâcher de compléter leur chargement. Pendant toutes
les nuits, ils sont obligés de faire une garde vigilante;
tous les quarts d’heure, la cloche du bord
doit tinter, et les cris des sentinelles se faire entendre,
afin de prévenir que l’on est sur la défensive.
Pendant le jour, le service des matelots bisayas èst
moins pénible encore ; ils jouissent tout à leur aise du
doux far-niente.
Le caractère astucieux des habitants est tellemen t
redouté par les capitaines marchands, que, malgré les
traités solennëls qui existent, ils ne laissent jamais
plus de dix naturels monter à leur bord, encore ontils
bien soin de leur faire déposer leurs armes avant de
les laisser pénétrer dans le bâtiment. « Rien ne peut
mieux peindre, disait le capitaine Somès, la cruauté
et la perfidie de ces gens-là que l’histoire du brig hollandais
que vous voyez aujourd’hui là à nos côtés, et couvert
par le pavillon espagnol ; le capitaine Scribano,
quile commande, auraitdû vous raconter son histoire,
mais puisqu’il est malade, je vais y suppléer. Ce bâtiment
était allé prendre un chargement de riz sur
l’île de Java ; il était commandé par deux officiers de
commerce hollandais, l’équipage était composé de
Malais. A peine le navire s’était- il éloigné de la
côte javanaise, que ,1e capitaine et son second tombèrent
malades ; les matelots malais, qui font aussi,
quand ils le peuvent, le métier de forbans, profitèrent
de la circonstance qui mettait le navire en leur
pouvoir, et ils le livrèrent à six pirates illanos. La
première chose que firent ces nouveaux maîtres fut
de massacrer le capitaine et son second sur une île
déserte où ils abandonnèrent les corps, puis ils conduisirent
la prise à Solo, où elle fut immédiatement
achetée par Datou-Molou. J’ignore ce que celui-ci l’a
payée, mais il n’a pas fallu qu’il l’achetât plus de
100 piastres pour qu’il la revendît ensuite 200 piastres
au capitaine espagnol Scribano, qui la commande
à présent. Vous croyez peut-être que , pour prix de
leur trahison, les habitants de Solo partagèrent avec
les matelots malais, leurs complices, les produits de
leur crime commun, pas du. tout ; cette fois-là ils
commirent un, acte de justice en se chargeant de