Le détroit de Bassilan est fréquenté chaque année
par un grand nombre de navires. L’établissement
espagnol, créé dans un but tout philanthropique,
peut-être aussi pour empêcher la contrebande et pour
éloigner de ces rivages toute puissance européenne
qui serait tentée de s’établir sur Mindanao, occupe
une des positions les plus heureuses du détroit.
Sa rade, il est vrai, n’est pas très-sûre. Le mouillage
y est assez mauvais et d’un accès difficile ; mais il
paraît que sur toute la côte septentrionale de Bassi*-
lan, il n’existe pas un seul port où les navires puissent
jeter l’ancre. D’un autre côté, les bâtiments qui
fréquentent ce détroit n’ont généralement à demander
à Samboangan que de l’eau et des vivres frais;
or ils peuvent toujours, sans s’éloigner de leur
route, jeter un pied d’ancre sur la rade ; ils ont rarement
besoin d’y séjourner ; l’appareillage y est toujours
facile. Quoi qu’il en soit, le poste de Samboangan
est appelé à rendre de très-grands services ;. le
voisinage des îles Solo et Bassilan, celui des pirates
-indépendants de Mindanao, rendrait ces parages on
ne peut plus dangereux pour les bâtiments marchands,
si le gouvernement de Manille n’entretenait
constamment dans ces mers une flottille de guerre
pour réprimer les écumeurs de mer.
Les forces maritimes attachées à cette station consis tent
en une goélette, deux canonnières et deux grandes
félouquas. Ces deux dernières se trouvaient sur la
rade au moment de notre passage. Une des canonnières
était en mission sur la côte, la seconde »était
mouillée dans une rivière. De la rade on apercevait
sa mâture. Enfin la goélette était amarrée dans une
autre rivière à quelques milles de Samboangan. Cette
petite flottille, montée par des marins de Manille,
dont nous pûmes admirer l’excellente tenue, est destinée
â croiser constamment dans les archipels indépendants
qui avoisinent Mindanao.
D’après les renseignements donnés par MM. de la
Cruz et Acha, tous deux attachés comme lieutenants
de vaisseau au poste de Samboangan, il parait que les
bâtiments sous leurs ordres ont assez fréquemment
des engagements avec les pirates. Ceux-ci tâchent
toujours d’éviter le. combat, mais une fois forcés
d’en venir aux mains, ils combattent avec le courage
du désespoir. Jamais ils ne font de prisonniers ;
mais il'est rare aussi qu’ils se laissent prendre vivants.
Lorsque cela leur arrive, ils sont condamnés
à subir la peine des présidios (galères) pour un
temps fort long. Du reste, au dire de M. de la Cruz,
il paraît que les marins sous ses ordres font rarement
quartier à ces brigands. Cet officier a eu lui-même
plusieurs engagements à soutenir contre les pirates.
Chaque année ilvnpousser unevisite aux îles Solo et
aux terres environnantes. C’était lui que le capitaine
Somès avait voulu désigner lorsque, à notre passage
à Bewan, il nous racontait que naguère les habitants
de Solo avaient cherché à assassiner un officier
espagnol. M. de la Cruz me confirma tous les détails
qui nous avaient été donnés à ce sujet. Il m’ajouta
que c’était ce même datou Tahel dont nous faisions