rent malgré eux obligés de suivre les conseils des
datous, qui, disaient-ils, ne pouvaient plus contenir
les habitants des montagnes descendus dans la ville
à nos coups de canon. Mais d’un autre côté, pour
leur témoigner leurs intentions amicales, ces datous
les engagèrent à retourner d’abord sur leur navire,
sauf à revenir plus tard à terre, où ils leur promettaient
alors une franche et amicale réception.
A notre retour nous eûmes à traverser dans la rivière
une flottille nombreuse de praos armés de petits
canons, et qui servent à ces forbans pour leurs excursions
fréquentes sur lès rivages mal défendus.
Nous aperçûmes aussi les Chinois groupés sur les
portes de leurs habitations; ceux-ci, connaissant mieux
que nous le caractère de ce peuple, regardaient d’un
air inquiet ce qui se passait dans la ville. Il est certain
que leurs habitations , toutes situées sur le bord
du rivage, eussent été, en cas d’attaque, les premières
détruites par le feu de nos bâtiments.
J’avais invité, par politesse , le sultan à venir le
lendemain, avec son ministre, dîner à bord de l'Astrolabe;
mois il m’avait été répondu .que, sous aucun
prétexte, le chef de ce nid de brigands ne pouvait
s’éloigner de l’île. D’un autre côté , je n’étais pas
tenté de retourner à terre. ; et comme il nous était
impossible de nous livrer à aucun travail, je résolus
de diminuer le temps que j’avais accordé à cette relâche
et de quitter le mouillage aussitôt que nous
aurions renouvelé notre provision d’eau.
* Pendant tout le reste de la journée, nous entendîmes
à terre des cris tumultueux qui attestaient que
le désordre où notre visite du matin avait jeté la population
n’était point encore apaisé. Cependant nqus
vîmes le long .du rivage de nombreuses bandes
d’hommes armés et à cheval , qui semblaient abandonner
la ville pour gagner leurs montagnes. '
Une heure environ après notre arrivée, une pirogue
vint nous apporter quelques paniers de fruits dont le
sultan nous faisait cadeau ; et après cela » plusieurs
embarcations vinrent nous vendre quelquesprovisions
consistant en poules et en fruits, qu’ils abandonnèrent
à très-bon marché. Dans la soirée, plusieurs ofliciers
descendirent à terre ; ils furent cordialement reçus
par les datous Molou et Tahel ; ceux-ci leur offrirent
des cigares, des confitures et du thé ; mais ils ne purent
parcourir la ville. La population était encore trop
effrayée de notre démarche du matin, et les datons
ne leur auraient point permis de sortir de leurs habitations,
car ils redoutaient des accidents qui eussent
infailliblement entraîné de notre part une vengeance
éclatante.
Au milieu de la nuit, la Zélée fut tout à coup accostée
par une pirogue dans laquelle il n’y avait qu’un
seul homme, qui monta à bord malgré lès cris delà
sentinelle. En mettant le pied sur le navire, il remit
le kriss qu’il avait à la ceinture au factionnaire, dont
il embrassait les genoux. « Bientôt l’oflicier de garde
fut prévenu de cet incident, ajoute M. Jacquinot; il
m’amena cet homme que j’interrogeai. Il tremblait
de tout son corps ; il me dit qu’il était Malais, établi