l’île ; il avait fait chez Tahël la connaissance <VA bdôulla,
puissant datou des montagnes; celui-ci offrit à M. Ger-
vaize de profiter de sa compagnie et surtout son
escorte pour aller avec lui dans sa demeure. Une forte
troupe armée composait l’escorte d'Abdoulla et garantissait
la sûreté des voyageurs. M. Gervaize reçut
un accueil très-amical dans la maison de cè chef qui
le fit escorter de nouveau par une troupe armée lorsque
dans la soirée il regagna la ville. Le même jour,
Datou-Molou donna, à ce qu’il paraît, une fête magnifique
à laquelle il avait invité plusieurs officiers.
M. H. Jacquinot, qui y assista, en fait un récit plein
d’intérêt. Le voici :
« Au commencement de la nuit, je quittai le bord
avec MM. Thanaron et Boyer. Tout était tranquille
dans la ville. Deux des gens du datou, armés de lances
et de longs kriss, nous attendaient au débarcadère,
et nous guidèrent sur les ponts étroits et tremblants
de la ville aquatique. La maison de Molou était
sur la terre ferme, à quelque distance du fort, demeure
du sultan. En arrivant, nous trouvâmes trois
officiers de Y Astrolabe, réunis dans la principale
pièce de la maison.
» Cette chambre assez grande présentait pour principal
meuble, une espèce de large plate-forme carrée,
élevée sur quatre pieds qui, se prolongeant en
colonnes, soutenaient un dais. On ne peut mieux
comparer cette construction qu’à un de nos grands
lits à la duchesse, exagéré dans ses proportions,
et qui, au lieu de matelas, n’offrirait que quelques
nattes. Des rideaux d’indienne à grandes fleurs l’entouraient.
C’était pour ainsi dire une petite chambre
isolée au milieu de la grande. Sur une plate-forme,
étaient rangées des boîtes à thé, des cassettes de diverses
formes, puis des fusils, des kriss, etc. Au milieu
de tout cela paraissait le datou appuyé sur quelques
coussins. La fouie des serviteurs et des esclaves
se tenait en haie de chaque côté de la chambre.
»Le datou Molou était vêtu d’une longue robé de
soie de Chine, blanche et bigarrée de fleurs éclatantes.
Sur sa tête, un riche mouchoir était négligemment
attaché en forme de turban. C’était un petit
homme de cinquante à soixante ans ; sa figure offrait
le type malais exagéré, e’est-a-dire un nez très-épaté,
et des lèvres larges et proéminentes.■ Ses petits yeux
gris et vifs lui donnaient un air de finesse et d’astuce.
Ses cheveux étaient blancs, chose assez rare chez les
Malais. Cet homme avait parmi les siens une grande
réputation de sagesse ; il était du reste le conseiller
e t, pour ainsi dire, le premier ministre du sultan
, et paraissait jouir d’une grande puissance.
Tahël était le guerrier, Molou le diplomate. 11 avait
été plusieurs fois à Manille, parlait un peu l’espagnol,
et se piquait de connaître les usages européens.
A notre approche il se leva, descendit de son lit, et
vint nous recevoir. Il ne tarda pas cependant à reprendre
sa première position et à se renfermer dans
sa dignité, laissant à une espèce d’intendant le soin
de nous faire les honneurs de sa case. Cet intendant
nommé Morokia était un garçon intelligent, quoique