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endroits le lit de ce joli ruisseau, nulle part on ne
trouve de ponts pour le franchir. A l’époque des pluies,
les eaux qui s’amoncèlent dans la rivière enlèvent à
chaque fois des parties de la route, et les pieds seuls
des bestiaux parviennent ensuite, à force de fouler
le sol, à former un talus qui rend de nouveau praticable
le chemin à travers lequel les eaux ont creusé
de profondes ornières. Le gouvernement de Sam-
boangan manque tout à fait des fonds nécessaires pour
entreprendre les moindres travaux de réparation, et
même il n’a le droit d’imposer aucune corvée aux
habitants qui sont venus s’établir dans cette petite
colonie, sous la garantie de privilèges que Fon ne
retrouve nulle part, dans aucune des possessions espagnoles
aux Philippines.
Au bout d’une heure de marche environ, nous atteignîmes
le but de notre course ; nous étions arrivés
au pied d’un coteau un peu élevé, au sommet duquel
on voyait une ferme et une espèce de tour d?observation.
Un beau tapis de verdure, au milieu duquel
paissaient de nombreux troupeaux , couvrait la
pente douce de la colline et s’étendait jusqu’à nos
pieds. Nous eûmes bientôt gagné le sommet de la
montagne , et notre première visite fut pour le petit
poste, composé de trente soldats indiens, qui est
chargé de la défense de la ferme, propriété de l’État.
Leur corps-de-gàrde est construit comme ceux que
nous avions déjà aperçus sur la côte ;t$est une espèce
de blockhaus d’environ dix mètres d’élévation, surmonté
d’une case en bambous, où l’on arrive au
moyen d’une échelle qui se retire chaque soir. Ce
corps-de-garde est par là à l’abri de toute espèce de
coup de main tenté par les naturels de l’intérieur ;
il domine non-seulement l’habitation qu il est chargé
dé défendre, mais encore toute la plaine, et forme
un excellent poste d’observation, A côté s’élève la
ferme de la Toumanga. C’est tout simplement une
grande case bâtie, comme toutes celles des Indiens,
avec des planches et des bambous. L ameublement
est des plus modestes ; il comporte des divans en rotins
assez mal assemblés et dont on nous fit les honneurs.
Cette habitation est censée être la maison de
plaisance du gouverneur, qui 'y fait je crois d’assez
rares visites; on y chercherait vainement du reste
d’autres commodités de la vie que celles qui sont
strictement nécessaires au bien être des fermiers, ou
gardiens indigènes qui en sont les véritables habitants.
Cette, position fut choisie jadis par les jésuites,
premiers fondateurs de cette petite colonie, pour
servir d’avant-poste du territoire occupé par les
colons tagales. La tour de garde fut destinée à les
mettre à l’abri des incursions des Maures. Par la
suite ils y établirent la ferme qui existe aujourd’hui,
.et ils lui donnèrent pour apanage quelques centaines
d’arpents de terre, les seuls qui soient encore défrichés
et qui servent de pâturages aux troupeaux
du gouvernement.
Au delà de la Toumanga, le pays a conservé l’aspect
sauvage qu’il avaitj adis. Du haut de F éminence où s’élève
la ferme, on jouit d’un des plus beaux points devue