heureux. Un de nos meilleurs hommes mourut du tétanos ; il
se nommait Avril et avait depuis un an gagné les galons de
quartier-maître. En arrivant à Samboangan, il s’était blessé au
pied gauche en marchant sur un clou. La plaie, d’abord légère,
s’enflamma peu à peu, mais elle était loin cependant de nous
faire craindre la mort de l’infortuné. Le 4 août, sur les trois
heures du soir, les mâchoires du blessé se serrèrent, e t, dans
la nuit, la poitriné commença à se prendre. Le chirurgien-major
lui prodigua tous les soins imaginables, il passa la nuit près
de lui; tout fut inutile..«.. Le lendemain, le malheureux marin
mourut sur les onze heures.
Comme nous devions partir le lendemain, on enterra notre
compagnon de voyage sur les sept heures du soir. Le chef de
l’expédition donna l’ordre de satisfaire à tous les frais des funérailles
; on se conforma à ce qu’exigeait la coutume espagnole.
Un détachement de marine, sous les ordres d’un officier, accompagna
le corps du défunt jusqu’à sa dernière demeure. On
le conduisit d’abord à l’église, et après la bénédiction et les
oraisons du prêtre, le cortège s’achemina du côté du cimetière.
Jl y eut dans cette cérémonie une certaine solennité; on avait
choisi parmi les deux équipages ceux des matelots «pie des liens
de camaraderie' ou de pays unissaient au défunt ; toutes ces
figures brunes et halées témoignèrent hautementpar leur tristesse
que le compagnon de route qui venait de nous quitter si inopinément,
laissait des regrets à ses amis aussi bien qu’à ses chefs.
On surmonta la tombe d’une simple croix en bois peint. D’un
côté on écrivit le nom du marin, de l’autre celui de Y Astrolabe.
Il avait échappé aux glaces australes et au scorbut pour venir
s’endormir sous la ligne. Qu’il repose en paix...... *
{M. Mareseot.)
* Le journal de M. Mareseot finit à ce passage. Quelques mois après, cet
officier expirait, et ses compagnons de route confiaient son cadavre à la
mer......,.». V. D.
Note 26, page 239.
Voulant profiter d’un de mes jours de liberté pour courir
un peu les environs, j’arrangeai avec MM. Dumoulin, le chirurgien
et un officier de Y A s tr o la b e , une partie dans la montagne
, pour faire une chasse au singe. Nous nous mîmes en
route à six heures du matin, guidés par le gobernadorcillo (espèce
de maire), et ayant pour nous quatre un seul cheval. Une
route charmante nous conduisit à une première rencontre de la
Toumaga (nom de la rivière) ; il nous fallut la traverser à gué,
opération qui nécessita une manoeuvre savante. Nous avions en
tout trois chevaux, celui du gobernadorcillo don Leone, celui du
garde porteur d’une partie des vivres, et le nôtre ; il nous fallait
donc passer la rivière à six sur trois chevaux, dont un , celui
des vivres, ne devait passer qu’une fois pour ne pas mouiller
nos provisions. Deux de nous passèrent d’abord, puis deux autres
, et enfin le cintjuième sur les chevaux ramenés chaque fois
par un des domestiques àpied. Trois fois nous exécutâmes cette
manoeuvre avant d’arriver à Toumaga, poste avancé sur le bord
de la rivière, à trois milles environ de Samboangan. La course
du matin , quoique courte, nous avait ouvert l’appétit, et nous
ne voulûmes pas pousser plus loin sans dire un mot d’amitié
aux poulets froids et au jambon qiie nous avions apportés. Après
un bon repas, assaisonné par un délicieux appétit, nous nous
remîmes en route, et, remontant la Toumaga, nous pénétrâmes
dans la forêt. Des arbres gigantesques nous mettaient à l’abri des
rayons du soleil, et nous firent, tant que nous marchâmes sous
leur ombrage, supporter parfaitement la chaleur du jour. Quittant
une demi-heure après le bord de la rivière, nous gravîmes
les premières hauteurs sous l’ardeur d’un soleil qui nous mit en
peu d’instants aux abois. L’envie d’arriver au gîte des singes nous