extraordinaire ; les registres de l’église constatent à peine deux
ou trois décès par mois, tandis que les naissances y sont portées
dans la proportion de vingt-cinq à trente pour le même intervalle.
Il y a véritablement de quoi être étonné, en considérant
la quantité d’enfants qui s’offrent aux regards à l’entrée de chaque
case, tant dans la ville que dans les environs.
A l’exception de quelques maisons qui sont construites à l’européenne
, et qui présentent un certain air d’aisance, toutes les
autres ne sont que d’assez misérables cases élevées sur des pieux,
à quelques pieds au-dessus du sol, fabriquées avec des bambous,
et couvertes en chaume. La partie inférieure sert de parc aux bestiaux
et aux volailles.
La prostitution paraît être une chose rare dans cette colonie ;
mais les liaisons de gré à gré y sont généralement admises, et
une femme se croit toujours très-honorée d’être la maîtresse en
titre d’un officier espagnol.
La relâche de Samboangan est excellente pour les navires,
q ui, venant de Manille ou des mers de la Chine, se dirigent; ensuite
vers le détroit de Maka'ssar, pour gagner un des passages des
îles de la Sonde,- elle l’est, surtout, pour les baleiniers qui établissent
leur croisière dans la mer de Célèbes. L’eau y est de bonne
qualité, et s’y fait très-prqmptenient ; l’on peut, facilement,
et à un prix très-modéré, s’approvisioner de volailles, de boeufs,
et de cochons. Les légumes seuls y sont rares, et l’on ne saurait
guère se procurer autre chose que des courges. Les bananes y
sont abondantes , et de bonne qualité ; lès cocos s’y trouvent à
profusion.
Les habitants qui forment la colonie , sont au nombre d’environ
sept .mille, dont trois mille habitent la ville proprement'
dite ; ils ne sont soumis à aucun tribut personnel ni foncier, et
constituent, en cela, une exception avec tout le reste des Philippines
où les sujets espagnols sont assujettis à une redevance
annuelle. Une seule taxe est imposée à ceux de S am b o a n g a n ,
et il était réellement impossible de les en dégager ; c’est celle
d’un mèdio (environ six sous de France), à laquelle toutes les
personnes , sans exception, sont imposées, pour parer aux dépenses,
et soutenir ce poste de déportation.
Tous les membres de cette colonie professent la religion catholique,
mais ils n’ont évidemment que l’extérieur de la dévotion
; ils assistent aux offices et marmottent des prières, plutôt
comme passe-temps que par conviction ; naturellement paresseux
et indolents, ils jçie se livrent à aucune industrie, et ont
besoin d’être constamment surveillés par les personnes au service
desquelles ils consentent à se livrer momentanément. Du
poisson, une poignée de riz, et des cocos, voilà la base de leur
nourriture, et ils ne pourraient se résoudre à faire la moindre
chose au delà de ce qui leur est nécessaire pour s’assurer la pitance
de la journée. Ge n’est pas cependant le terrain qui
manque; il est de bonne qualité, et n’attend que des bras et du
travail pour produire et rapporter de grands-profits. Chaque
individu peut en prendre la portion qui lui convient, pourvu
qu’il la cultive et la mette en rapport ; mais s i , après deux ans
de possession, on s’aperçoit qu’il l’abandonne et la néglige, elle
lui est enlevée immédiatement ; dans le cas contraire, la propriété
lui est acquise, et au bout de dix années, il devient le
maître de la vendre , de l’échanger, et enfin d’en disposer suivant
son caprice.
Je me rappellerai toujours avec un vif sentiment de plaisir le
séjour de S am b o an g an ,, et je regarderai comme une des plus
agréables circonstances de ma vie aventureuse, celle où je suis
entré: en relations avec monsieur le lieutenant colonel S a n z ,
et messieurs les officiers de la marine espagnole, la C ru z et
Acha.
Je ne dois pas , non plus, oublier le curé de cette station ,
homme jeune, instruit, d’une tolérance bien entendue, et possédant
des moeurs parfaitement adaptées au mandat sacré qu’il