de retour est le sel, qui paraît être fort cher sur les côtes de la
grande île.,.. ;
Un fait assez curieux se passe dans la petite église de Singapour.
Un prêtre portugais qui y réside, voyant ses ouailles le
déserter pour se ranger sous le guidon de l'évêque, en est devenu
jaloux. La mésintelligence a commencé par des contestations et
a fini par l’excommunication ; tous deux s’anathématisent ; ils feraient
mieux de s’unir....
Une mission anglaise a aussi un comité dans cette ville. Je ne
sais jusqu’à quel point ces différentes religions réussissent. Je sais
qu’on se plaint encore ici des vols nombreux quisé commettent,
et je sais que les femmes malaises y sont aussi débauchées que
dans les colonies hollandaises....
La petite île de Singapour n’est séparée du continent que
par un canal d’un mille et demi de large environ. Cette distance
est franchie fort souvent à la .nage par des tigres qui viennent
dévaster les troupeaux des campagnes. Malgré une prime offerte
par le gouvernement, on tue assez rarement ees hôtes dangereux.
Maintenant même il se trouve dans l’île un tigre fameux
par ses déprédations. Il a tué plusieurs Malais qu’il a
trouvés isolés dans les bois ainsi que plusieurs buffles. On nous
montre du doigt le lieu où il a déchiré et dévoré un malheureux
bûcheron.i..
Ce soir, je fais partie des personnes invitées chez M. Balestier,
consul américain dont j’ai vu les champs de canne à sucre ce
matin. Ce fonctionnaire et planteur tout à la fois nous reçoit
avec la plus grande cordialité. Son dîner très-confortable a été
préparé par un cuisinier chinois, quoique composé de plats européens.
Tous les domestiques sont chinois, et il nous dit en être
fort content.
Ces serviteurs proviennent des émigrants que la famine chasse
de leur pays. Ils servent fidèlement et à peu de frais, 12 à 20 fr.
par mois tout compris. Us apprennent facilement tous les détails
du service européen, mais n’en prennent pas les habitudes, et ne
touchent même pas aux mets de cette cuisine : ils préparent eux-
mêmes leurs aliments, qu’ils achètent sur le prix de leurs gages, !
et, chose bién remarquable, nous répète M. Balestier, ils conservent
pour les usages de leurs maîtres et souvent pour eux-
mêmes un grand mépris, tout en les servant fidèlement......
Le super-intendant des convicts, jeune homme que le hasard
nous a fait rencontrer chez M. Dutronquoy, nous offre dé nous
faire faire une promenade dans les plantations des environs; nous
acceptons son offre obligeante, et sous sa direction nous voyons
d’abord un groupe de malfaiteurs, un anneau de fer au pied, partir
pour se livrer aux travaux publics des routes.
Ces condamnés sont tous exportés des colonies de l’Inde ; il y
en a de différentes races et de différentes tribus. Ceux de Singapour
vont en revanche expier leurs méfaits aux lieux d’où
les premiers proviennent et donnent ainsi lieu à un échange
annuel qui se fait facilement au moyen des grands navires ou
plutôt des frégates de commerce de la compagnie, qui vont d’un
point à l’autre des vastes possessions anglaises.
Le travail des convicts est exclusivement réservé au gouvernement,
et il a édifié1 quelques belles routes, larges et nivelées.
Dernièrement, en faisant des fouilles, ces hommes ont trouvé un
pot renfermant des médailles en plomb. Notre guide officieux
nous en donne quelques-unes. Elles sont un peu plus grandes
qu’une pièce de dix sous de notre monnaie; d’un côté elles portent
l’effigie d’un criss malais et de l’autre celle d’un lion.
On nous dit que le lion était l’emblème des armes des anciens
maîtres de l’île. Qui sait à quel point cela est vrai
Pour revenir aux convicts, il paraît que le nombre des malfaiteurs
est assez grand à Singapour. La liberté du commerce
yamène un grand nombre d’étrangers qui, n’ayant souvent pas
de quoi subsister, se livrent au vol. Les Chinois surtout se distinguent
sous ce rapport ; ils se dépouillent entièrement de leurs vê