que d’exposer quelques personnes à la merci de cette canaille ;
nous prîmes immédiatement congé ét nous nous rendîmes à'nos
canots dans le même ordre que celui dans lequel nous étions'arrivés
, en remarquant, toutefois, que les chefs affectaient de se
grouper autour de nous, et invitaient à’la retraite la foule qui
ne cessait de nous suivre ; notre embarquement s’opéra sans désordre,
et nous ralliâmes les corvettes, peu satisfaits du résultat
qu’avait obtenu notre première expédition diplomatique; au
fait, nous ne les avions amenés qu’à vouloir bien recevoir les
présents qui leur avaient été faits au nom du roi de France.
m (M . Jacquinot.Jmi
Note 14, page 202.
Le 23 juillet, malgré ce que nous avait dit le sultan, nous
envoyâmes nos chaloupes faire de l’eau à une aiguade- tout près
du mouillage; on eut soin de bien les armer et d’empêcher les
matelots de pénétrer dans l’intérieur. Les naturels qui passaient
près de là en grand nombre, se détournèrent de leur route pour
venir vendre aux hommes des poules et des fruits, et montrèrent
des dispositions assez amicales ; leur conduite nous donna lieu de
penser que les datous nous les avaient principalement dépeints
comme dangereux et méchants pour nous interdire l ’examen
de leur île. Plusieurs de leurs pirogues vinrent à bord de nos
corvettes faire des échanges, et nous apprîmes qu’on commençait
à être persuadé dans la ville que nous n’étions pas des Hollandais.
Un datou puissant de la montagne était venu, avec un nombreux
détachement d’hommes armés, voir qui nous étions, et avait
manqué défaire une révolution dans La ville* ; >
Nous eûmes les jours suivants quelques communications isolées
avec la ville ; on s’y procura ^excellents boeufs à ' un prix
assez modéré; les officiers qui s’y aventurèrent eurent soin.de se
faire accompagner le soir par des hommes d’armes, des datous
Molou et Tahel, les deux hommes les plus civilisés du pays,
qui ayant beaucoup voyagé, avaient contracté l’un et l’autre du
goût pour la société des Européens.
Le 24, pendant la nuit , une petite pirogue montée par un
seul homme vint accoster la. corvette ; la brise était fraîche, et
le courant portait alors avec vitesse au large ; il abandonna aussitôt
sa pirogue et sauta dans notre chaloupe en demandant d’un
air suppliant qu’on voulût bien le recevoir à bord. Comme
il était nu et grelottant, il y eût eu de l’inhumanité à le repousser,
malgré l’heure indue à laquelle il se présentait ; on l’admit donc,
et en montant à bord, il remit son criss en disant qu’il était un
malheureux esclave de.Bouton, enlevé dernièrement par des
pirates qui étaient venus le vendre à Soog, et que, maltraité
par son maître et désireux de revoir son pays, il avait saisi cette
occasion pour s’évader au risque de sa vie ; nous le cachâmes
donc à bord, et nous apprîmes de lui qu’un grand nombre de
ses compatriotes étaient esclaves dans le pays et y étaient très-
maltraités.
v;L’île de Soog, improprement appelée par les Espagnols N olo,
et par les Anglais Sooloo, et Solo par les autres nations, a de-
tout temps été remarquable par son commerce et sa fertilité ; c’èst
le rendez vous de tous les Malais des îles voisines et des Chinois
qui, bien avant l’arrivée des Portugais, venaient y chercher la
nacre, les perles, la cire et les nids de salangam, qui ont toujours
afflué sur son marché. Jadis tous les habitants de cette
île et ceux dés îles voisines, joignaient à leur commerce la
profession de pirate, et s’étaient rendus tellement redoutables
dans cette partie de la Malaisie, que les Espagnols, possesseurs
des Philippines, se virent obligés de faire des expéditions contre
eux et détruisirent à plusieurs reprises la ville de Soog* leur capitale,
qui paraît avoir donné son nom à toute File ; mais les
habitants qui y étaient campés comme aujourd’hui, avaient
toujours soin d’emporter ' leurs richesses dans l’intérieur.
Aussi, malgré toutes les ëxpéditions, comme les Espagnols ne