ne sont guère plus considérables. Nous n’y vîmes
qu’un seul bateau à vapeur, armé de canons, des*
tiné à donner la chasse aux pirates qui ont choisi
pour théâtre de leurs forfaits les canaux qui séparent
les nombreuses îles de l’Archipel indien.
On évalue aujourd’hui à vingt-trois mille habitants
la population de Sincapour ; dans ce nombre les Chinois
comptent pour quinze mille, et les Européens
seulement pour deux cent soixante-dix; encore, parmi
ceux-ci il y en a beaucoup qui n’ont d’européen
que le costume, la religion et les habitudes. Bien
que les habitants soient traités par les lois du pays
avec une égalité parfaite, la supériorité des Européens
est reconnue par tout le monde, car, malgré
leur petit nombre, ce sont eux qui, par leur présence
et leurs capitaux, font naître la confiance et-impriment
de l’activité au commerce : ils sont la clef de
voûte de la colonie, qui, sans eux, s’éteindrait infailliblement
: les Chinois, tout orgueilleux qu’ils sônt,
reconnaissent qu’ils seraient impuissants à la soutenir
seuls, malgré leur activité et leur esprit industrieux.
La compagnie des Indes à laquelle appartient l’établissement
, n’y entretient encore que trois à quatre
cents soldats indiens pour sa garde et sa police : l’action
de cellè-ci s’aperçoit à peine, malgré les dispositions
turbulentes de tous les Malais dont les bateaux
affluent à Sincapour. La seule précaution que l’on
prend à leur égard, c’est de ne pas les laisser descendre
à terre avec leurs armes ; ils se soumettent à
cette mesure rigoureuse plus facilement qu’on ne
devrait l’attendre de leur défiance naturelle, et fréquentent
de plus en plus la Colonie. >
Sincapour est pour eùx un entrepôt d’armés et de
poudre qu’ils he peuvent pas se procurer dans les
pays voisins soumis, aux Hollandais; Pour lutter avec
cet établissenienf, la compagnie hollandaise a fait en
vain de Rhio un port franc. Les habitudes de monopole
ont empêché les Malais de croire ce projet sincère,
èt ils n’en ont pas moins continué à fréquenter
le comptoir anglais qui est devenu aujourd’hui le
rendez-vous commercial de tous les peuples de la
Malaisie qui n’ont pas encore subi le joug.
Sincapour est une excellente relâche pour les navires
qui fréquentent ces parages ; non-seulement ils
peuvent y faire de l’eau facilement', mais en général
ils sont encore assurés d’y trouver des vivres en
abondance et à meilleur marché qu’à Batavia; ils
n’ont pas à redouter pour, leurs équipages ces fièvres
dangereuses que les marins européens gagnent à
fréquenter les rivages de Java. Pendant notre court
séjour sur la rade, j’envoyai fréquemment nos équipages
en permission à terre, et je n’eus jamais à me
repentir de cette détermination. Si j’avais pu prévoir
toutes les ressources de la colonie anglaise, je me
serais bien volontiers dispensé de relâcher à Batavia.
Plusieurs personnes m’ayant assuré que dernièrement
le sultan de Solo avait manifesté par écrit, dans
une lettre adressée au roi des Français, l’intention
de contracter un traité de commerce avec la France ,
je résolus de conduire nos corvettes vers ces îles;