Note 6, page 37.
Sur les terres basses qui encadrent la rade de Batavia, l’ceü
cherche en vain les édifices ou les monuments qui . indiquent
l’emplacement de la métropole des possessions hollandaises dans
l’Inde. A la distance qui sépare le rivage du mouillage des navires,
il est impossible d’apercevoir la grande ville. De grands
navires réunis en groupes, le mouvement des p ra o s qui sillonnent
incessamment les eaux basses et décolorées de cette
vaste baie, décèlent seuls le voisinage d’un grand centre de
commerce........
La journée du 10 juin est signalée par l’arrivée de plusieurs
gros navires hollandais, qui saluent de 8 ou 9 coups de canon
le stationnaire qui leur en rend 5. Ces arrivages donnent Une
nouvelle animation à l’aspect de la rade ; la vue de cette activité
est réellement intéressante pour ceux qui comme nous, ont passé
une si longue période de temps dans une navigation paisible, dans
des mers solitaires et presque ignorées ; je passe une grande
partie de la journée à bord et je ne descends à terre que vers le
soir ; m’étant fait conduire à l’hôtel de Provence, rendez-vous
général des officiers des deux corvettes, je vais ensuite en compagnie
de quelques personnes visiter le quartier et le théâtre
chinois.......
' Après avoir erré dans les détours obscurs des rues qui forment
le quartier des enfants du céleste empire, notre voiture
de louage nous déposa sur le bord d’un cours d’eau, traversé
par un fragile pont en bois , en face duquel s’élevait sur une
petite place le V o y a n g Tchina, le théâtre que je désirais voir.
Une baraque élevée sur de grands tréteaux composait l’édifice
; elle tournait le dos à la rivière et contenait une scène petite,
étroite, n’ayant pour toute décoration qu’ une table, un
fauteuil et une porte pratiquée au fond, dans un angle. L’éclairage
était des plus économiques ; deux lampes en faisaient tous
les frais. La représentation était déjà commencée depuis longtemps.
La troupe était uniquement composée de femmes ; des
barbes postiches et des masques servaient à les déguiser lorsqu’elles
remplissaient des rôles d’hommes. La pièce qu elles
jouaient était mêlée de chants ; elle abondait en situations pathétiques
: voici quelques-unes des scènes auxquelles j’ai
assisté.
Un homme en habit chinois de ceremonie , parlait à un acteur
vêtu moins richement, sur un ton déclamatoire, aigu et
monotone. Ce confident se prosterna a plusieurs reprises, s agenouilla,
secoua ses manches en étendant ses bras par un mouvement
particulier qui doit avoir Une signification, puis s adressa
au public- pour lui donner sans doute des explications necessaires
à l’entente de l’action scénique. Il fit ensuite le geste d’un
-homme qui monte à cheval, et sortit en simulant le galop d un
cheval.
La scène resta alors silencieuse. On attendait le retour de
l’envoyé, qui revint au bout de quelque temps accompagné d’un
personnage vêtu d’un costume particulier et coiffé d’une espèce
de mitre. Tous deux firent le geste de descendre de cheval,
et consacrèrent plusieurs minutes à faire de longues prosternations
devant le premier personnage resté muet sur la scène et
qui évidemment était un mandarin de haut parage. Après ces
cérémonies d’étiquette , de longs discours et des chants plus
longs encore, occupèrent l’attention de la foule compacte des
Chinois qui se pressaient debout aux abords du théâtre , dans
un silencieux recueillement ; une expression de satisfaction parfaite
rayonnait sur toutes ces physionomies plates, presque
dépourvues de proéminence nasale, dans ces yeux obliques , à
demi-clos, qui sont le type de cette race; l’assemblée présentait
le coup d’oeil le plus bizarre qu’on puisse imaginer. Personne
n’était assis, car il n’existait aucun siège mis à la dis