308 NOTES.
11 laissa à sa femme, la seule qu’il eut, dît-on, la liberté de
suivre la religion chrétienne, qu’elle professait, et la rendit
ensuite libre d’esclave qu’elle était. Il parlait plusieurs langues
étrangères et les écrivait Toutes ces connaissances ne l’empêchèrent
pas d’acquérir une grande fortune, probablement à l’aide
des moyens employés par son fils pour l’augmenter. Quoi qu il
en soit, le fils, à la mort du père, reçut avec son héritage le titre
de R a d ja -la u t, chef de la mer, et ioùit d’une prépondérance qui
le place au jourd’hui au nombre «.es premiers chefs de l’endroit.
Malheureusement, les connaissances approfondies de l’émir
Bahar ne lui ont pas été transmises , et l’influence qu’une mère
Bissaya ou Espagnole aurait pu avoir sur lui, s’est arrêtée à la
couleur de la peau. La plus grande occupation de cét homme,
jeune, mais usé, consiste à aspirer, à chaque instant, la vapeur
enivrante cl’une pipe d’opium; aussi ses cheveux déjà’presque
blancs , ses yeux caves, ses membres grêles, quoique bien proportionnés
, indiquent les ravages de cette funeste drogue.
Après nous avoir entretenus assez longuement dès faux bruits
que notre arrivée a fait naître dans le pays, le datou Tahel fit
servir du chocolat , des gâteaux et des fruits. Le chocolat avait
été fabriqué dans la ville même par des esclaves espagnols ; les
gâteaux, composés en grande partie de farine de riz et de»
sucre indigène, auraient été bons sans le goût que leur laissait
l’huile de coco dâns laquelle ils avaient été frits ; quant aux
fruits, ils se réduisaient aux mangoustans, bananes et langouns
que nous connaissions déjà. v
Pendant le déjeuner, le datou Abdoulah, le même chez qui
M. Lafond avait été conduit tuer, arriva accompagné de sa
suite et plus tard emmena plusieurs de mes compagnons dans
la campagne où il réside. Pendant qu’ils s’éloignaient, notre
hôte fit exécuter un concert par sesesclaves ; les airs joués
étaient espagnols, et quoique tous les exécutants n appartinssent
pas à cette nation , ils jouaient avec assez d’ensemble : le
frère du datou Tahel, jeune homme adolescent, mais de couleur
bien plus brune, jouait lui-même de la flûte et il exécuta
plusieurs airs assez bien. Désormais la meilleure harmonie
semblait devoir régner entre nous et nos hôtes ; ce chef voulut
nous donner deux gardes pour nous servir d’escorte dans la prô-,
menade que nous voulions faire dans la ville, mais déjà nous
pensons que cette mesure était inutile et nous le remerciâmes.
Cependant je crois que ces mêmes gardes nous suivirent de loin,
soit pour nous protéger au besoin, soit pour savoir où nous allions.
Cette mesure était peut-être utile dans un pays livré à une anarchie
presque complète, anarchie dont nous venions d’avoir un
exemple. Le domestique du capitaine Jacquinot s’étant aventuré
hors du lieu où l’on a coutume de nous apporter des provisions;
s’était trouvé sur la grande place du marché au milieu d’un conflit
éleyé parmi les naturels ; déjà les lances, dont les indigènes
ne se dépouillent jamais , étaient en jeu, lorsqu’un marchand
engagea ce domestique à s’en aller, ce qu’il fit sans attendre
les résultats de la querelle, et d’ailleurs peu curieux
d’y assister.
Quant à nous, nous pûmes nous promener sans le moindre
empêchement dans presque toute la ville. Souvent nous avons
rencontré des bandes années d’hommes de la campagne, mais
déjà ils ne nous regardaient plus avec méfiance et ne portaient
pas, comme le premier jour de notre relâche, la main à la poignée
de leurs kriss sur notre passage. Voici quelques-unes des
remarques générales faites pendant cette excursion.
Une palissade de troncs d’arbres, quelquefois équarris,
garnit le pourtour du rivage ; édes embrasures carrées laissent
voir çà et là quelques pièces de canon hors d’état de servir et
'qui n’opposeraient qu’une faible défense à un débarquement.
La principale résistance qu’on rencontrerait 'viendrait des armes
à feu dont tous les chefs sont pourvus, et qui sont la base de leur
puissance : plus un chef en possède , plus il peut armer d’hom