PI. CXXXVIJ.
pour s’efforcer de recueillir quelques-unes des curieuses
productions de cette grande île.
» Ces deux embarcations ont quitté le bord, elles
s’éloignent rapidement et s’avancent dans les eaux
jaunes du fleuve. Le paysage qui se déroule à nos
yeux est peu accidenté; partout d’épaisses forêts qui
s’avancent jusque dans la mer, et dont les abords
doivent être inondés pendant le flux. De loin en loin,
sur la plage déserte se détache la silhouette allongée
d’un gros oiseau gris, immobile sur une de ses longues
pattes : c’est le patient marabout qui guette sa
proie.
»Nous avions doublé les pointes qui formaient les
dernières limites du fleuve , il se détournait à gauche,
puis se courbait de nouveau pour disparaître au milieu
des arbres.
» A droite, non loin du rivage, nous vîmes avec surprise,
s’élevant au milieu de l’eau, une case bâtie sur
des pieux; cette case, solidement construite en planches
et en bambous, me rappela la maison du lac
Ontario de Cooper. Elle en était la représentation
exacte, et avait sans doute été construite dans le
même but, c’est-à-dire pour se mettre à l’abri des
ennemis et des bêtes féroces. Quelques petites ouvertures
s’y faisaient à peine remarquer. Une petite
plate-forme l’entourait, et dé légères pirogues se balançaient
amarrées aux pieux. À notre approche,
deux ou trois Malais en sortirent; la vue de deux canots
chargés 'd’hommes armés parut beaucoup les
effrayer. Nous leur fîmes diverses questions, ils y
répondirent à peine, la crainte les dominait, nous
ne pûmes rien en tirer.
» Le canot de Y Astrolabese prépara alors à remonter
le cours du fleuve, et'le nôtre accosta au. rivage,■
derrière la casé ; chacun de nous disposa son fusil et
entra dans la forêt qui s’étendait de tous côtés,
g » Devant nous, à quelque distance, s’élevait un bouquet
de grands arbres qui dominaient tous les autres,;
en approchant nous vîmes toutes les branches s’agiter
, et des animaux bondir et s’élancer de tous côtés,
mais la rapidité de leurs mouvements était telle, que
l’oeil ne pouvait saisir leurs formes. Pour quelques-uns
d’entre nous c’étaient des oiseaux, pour les autres
une troupe de ces grandes chauves-souris, communes
dans ces contrées.
» Cependant nous nous dispersâmes ; accompagné
de M. Gaillard, je me dirigeai vers le bouquet d’arbres
et j’examinai attentivement si quelqu’un de ces
animaux ne serait point resté. Après avoir exploré
avec soin toutes les branches, j’aperçus au milieu
d’un feuillage épais, un petit espace jaunâtre qui me
sembla:: couvert de poils. Je tirai à tout hasard. Je
m’attendais à voir tomber quelque petit animal,
mais quelle ne fut pas ma surprise, en voyant les
branches se briser avec fracas, et une énorme masse
venir rouler à mes pieds. C’était un singe de la plus
grande espèce, que je reconnus de suite pour être
le Nasique.
» C’était une femelle pleine ; le développement de
son abdomen l’avait portée à se cacher, tandis que