1830.
Juin.
son absence, M. Marescot s’adressa au résident de Batavia
; il en reçut un accueil des plus polis, et des
offres empressées de ses services. Il était déjà nuit
lorsque ces messieurs rejoignirent VA strelabe. Pendant
ce temps-là, un autre de nos canots avait abordé le navire
de commerce français qui était mouillé sur rade ;
et il en avait rapporté des nouvelles un peu récentes
de la France : elles ne comptaient que trois mois de date.
Ce fut à Batavia que nous apprîmes les exploits
de la marine française devant les murs de Saint-
Jean d’Ulloa, ainsi que les récompenses accordées
à la suite de cette expédition. Chacun des officiers
comptait un ami parmi ceux qui avaient eu le bonheur
d’assister à cette action d’éclat, et tous applaudissaient
à leur succès. Cependant, aux impressions
de joie qu’avaient fait naître ces nouvelles favorables,
succéda une pensée douloureuse ; M. Ducorps
avait pris à la poste les lettres et les dépêches qui nous
étaient adressées, et je n’avais pas une seule récompense
à décerner, pas un mot d’encouragement à
donner à ces jeunes officiers» à ces braves matelots
qui, depuis deux ans, avaient affronté avec courage
des dangers tout aussi redoutables que ceux des boulets
ennemis, et qui, en outre, avaient souffert toutes
les privations avec une persévérance remarquable ;
et cependant, je n’avais laissé ignorer au ministère
aucun des travaux accomplis dans les glaces ; en
signalant les noms des officiers qui y avaient coopéré,
j’avais réclamé avec instance les ,récompenses que
je croyais méritées par chacun d’eux, mais YAstrolube
et la Zélée avaient été totalement oubliées......
Au lever du soleil Y Astrolabe salua la'place et le
pavillon de contre-amiral qui flottait sur le stationnaire,
la première de vingt et un coups de canon, et le
second de treize coups seulement. Les saluts une fois
rendus par la batterie du fort et par celle du navire,
toutes nos embarcations furent mises à la mer pour
porter à terre les officiers que le service ne retenait
point à bord. Il était huit heures du matin lorsque,
en compagnie de M. Jacquinot, je m’embarquai
dans ma baleinière pour aller faire visite aux autorités
hollandaises et m’enquérir des ressources de la
ville pour compléter nos provisions de campagne.
La rade de Batavia, quoique présentant un abri assuré
et un bon mouillage, est loin d’être commode,
surtout,pour les navires qui ont besoin de communiquer
souvent avec la terre ; il nous fallut franchir
près de trois milles avant d’atteindre le canal qui
conduit à là basse ville. L’entrée de ce canal était jadis
l’embouchure d’une petite rivière qui formait
une barre puissante par ses apports continuels de
vases et de détritus. Les Hollandais, pour arrêter ces
atterrissements continuels qui menaçaient la rade et
qui surtout rendaient les communications avec elle
de plus en plus difficiles, ont changé le cours de la
rivière ; ils ont canalisé ses bords ; deux digues longues
de près de deux milles, ont régularisé son cours
à travers des marais qui bordaient le rivage et qui
sont en partie desséchés. Les deux jetées se prolongent
à la mer sur un espace de près d’un demi-mille
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