saient dût leur procurer cet avantage. Les hommes
forment des projets et Dieu dispose des événements.
« Le roi, qui vit de quelle conséquence était notre
»entreprise, et qui autrefois avait eu de nous des ca-
» nous , fit faire des batteries ; si bien que, de part et
» d’autre, on fut sur la défiance, et que l’on poussa les
»ouvrages avec le dernier empressement. Mais les Ja-
» vanais, qui étaient infiniment plus forts de monde,
»et qui avaient les matériaux à souhait, avançaient
»beaucoup plus leurs travaux que nous ne faisions les
»nôtres. Ils dressèrent dans une nuit une batterie de
» câbles, de bois et de terre dans la loge des Anglais,
» vis-à-vis de notre nouveau cavalier, et ils y auraient
» fait un fort capable de barrer l’entrée de la rivière si
»on n’y avait pourvu.
» Le dimanche 23 décembre 1618, le conseil s’étant
»assemblé, et ayant considéré que notre perte était
» comme certaine, et que toutes nos affaires allaient
»êtreruinées dans les Indes, il fut résolu qu’on tien-
» drait ferme, qu’on continuerait à se fortifier, et qu’on
» agirait offensivement. Pour cet effet, le commis Le-
»fèvre fut envoyé à la loge des Anglais afin de décla-
»rer que s’ils n’ôtaient la nouvelle batterie qu’ils
» avaient fait élever, nous la détruirions nous-mêmes.
» Les Anglais s’en excusèrent, disant que ce n’était
»pas leur ouvrage, mais celui du roi et de ses gens;
»qu’il n’était pas en leur pouvoir d’y toucher, et qu’ils
» n’en n’avaient pas aussi l’intention. Dès que Lefèvre
» fut sorti de leur loge, les Javanais y entrèrent et l’oc-
» cupèrent. Le général Coën fit alors prendre à tous les
»armes et nous ordonna de nous tenir prêts pour le
» premier coup de cloche. A ce signal j’allai avec ma
» troupe mettre le feu au quartier de la tranchée,
»Pierre Diriks au quartier des Chinois, et Pierre
»Yanraï à la loge des Anglais et à la batterie. »
«Il serait trop long de donner, avec l’auteur, lesdé-
tails de toutes les hostilités qui suivirent, pendant
lesquelles les assiégés, à peine au nombre de deux
cent quarante contre toute la population d’iine
grande ville pourvue d’artillerie, ayant les Anglais
pour conseils , déployèrent une fermeté et un courage
héroïques , et finirent par obtenir, au moyen d’une
convention, le maintien de leur position jusqu’au
retour de leur général, qui avait été obligé de les
abandonner pour aller combattre avec sa flotte celle
des Anglais. La violation de ce traité par le roi de
Jaceatra, l’intervention des Anglais pour détruire
lçur fort, les mirent sur le point de capituler, lorsqu’une
diversion heureuse de la part du roi de Ban-
tam, jaloux de la proie qui allait tomber dans les
mains de celui de Jaceatra. vint les sauver de ce péril.
Yan den Brock, échappé au roi de Jaceatra,
échangea cette captivité contre celle de Bantam; mais
les assiégés, redoublant de courage, se fortifièrent
de nouveau, firent des sorties contre les Javanais,
donnèrent à leur fort le nom de Batavia, qui devait
acquérir tant de célébrité par la suite, et, pour braver
leurs ennemis, l’inscrivirent en grosses lettres
sur le portail. Reprenons maintenant le récit de Yan
den Brock.