vers la côte ; la brise, quoique assez forte, permettait à
peine à nos corvettes couvertes de toutes leurs voiles
de le refouler pour s’éloigner de la terre. Au moment
où nous étions encore par le travers de la rivière y
nous aperçûmes une embarcation assez grande qui
en sortait et qui avait l’air de se diriger spr nous.
Elle portait pavillon hollandais et paraissait vouloir
communiquer. Désireux de faire parvenir les paquets
dont je m’étais chargé, je fis mettre nos corvettes en
panne pour faciliter à l’embarcation les moyens de
nous rapprocher, mais cette manoeuvre faillit nous
être fatale ; rapidement entraînés par les courants,
nos navires ne se trouvèrent plus que par trois
brasses d’eàu (15 pieds) s quelques minutes plus tard,
et nous étions échoués. Noüs eûmes bien vite orienté
nos voiles et évité tout danger ; l’embarcation avait
aperçu nos signes et bientôt aussi elle fut à nos
côtés. Elle était montée par cinq hommes; je fis demander
le chef dans ma chambre et je lui fis servir
du vin: il me dit qu’il était patron de prao du sultan
de Sambas; il se chargea volontiers de mes paquets
qu’il me promit de remettre à M. Blom ; résident de
Sambas, afin de les faire parvenir à M. Doty. Cet
homme paraissait très-intelligent ; bien qu’il ne comprît
pas un seul mot du langage que je pouvais lui
tenir, il saisit bien vite quelle était la mission que
je lui confiais, et j’ai la conviction qu’il l’a ponctuellement
remplie. Il me demanda mon nom, celui de
nos navires, quelle était leur nature, d’où nous venions,
où nous allions, puis il s’embarqua et s’éloigna
de nous rapidement, en se laissant emporter dans lé
sud parles courants demârée.Cette embarcationappar*.
tient, comme me l’a dit son patron, au sültan de Sambas,
elle paraît bien construite et suffisamment grande
pour porter 15 à 18 homméS; elle est armée d’une ca*
ronade, et garnie de très-bonnes Voiles; son avant est
surmonté par Une tête d’oiseau sculptée ; iljesf probable
qu’elle est destinée à Croiser vers l’embouchure
de là rivière afin d’en éloigner les contrebandiers.
Son grand mât était surmonté d’une flamme et d’un
pavillon blanc encadré dans un liséré bleu, au milieu
duquel se trouvaient. tracées, les deux lettres N* I.
Dans la journée nous aperçûmes encore plusieurs
autres embarcations paraissant aussi grandes que
celle qui venait de nous quitter; mais elles longèrent
la côte sans chercher à nous accoster^
A une heure le coup de vent éclata, le tonnerre
tonnait de tous côtés, les éclairs se succédaient avec
rapidité* en un instant nous dûmes amener toutes
nos voiles pour laisser passer la tourmente ; heureusement
elle fut de courte durée : à la nuit, le temps
redevint beau et nous.pûmes continuer à nous élever
dans le nord, en nous tenant à une distance très-raisonnable
de la côte.
L’île de Bornéo, si importante par ses dimensions
êt ses produits, si intéressante par les peuplades différentes
qui l’habitent, est encore mal connue aujourd’hui.
Ses côtes, excepté dans le nord, sont dépourvues
de ports, et les bords de la mer sont presque
partout envahis par les palétuviers qui croissent dans