étions arrivés, ou trop tard, ou trop tôt, et que ces articles qui
abondaient lors de l’arrivée des navires, étaient promptement
exportés ; il fallut bien agréer ces motifs, et ne nous en prendre
qu’à notre maladresse d’être venus en temps inopportun.
Nous fûmes fâehés d’avoir acheté notre biscuit à B a ta v ia ; il
était de mauvaise qualité ; tandis que pour le même prix, nous
en eussions eu d’excellent dans cette colonie, où s’approvisionnent
tous les navires qui font les voyages de la Chine. Sans être
très-abondantes, les provisions fraîches ne sont pas très-chères
à S in g a p o u r; les poules, par exemple, n’y coûtent que trois
piastres la douzaine ; le poisson y est commun ; les bananes et les
ananas couvrent les marchés; les communications avec la rade
deviennent très-faciles, au moyen de légères barques gondolées
qui se louent deux roupies par jour, et se tiennent constamment
à vos ordres.
{M . Jacquinot. )
Note 8, page 100.
J’étais déjà venu à Singapour en 1824 : à cette époque cette
ville commençait à peine à s’élever, mais on pouvait juger à
l’activité qu’y développaient les Chinois et les Indous, qui commençaient
à y affluer, combien ses progrès seraient rapides,
surtout avec le système de liberté qui .présida à sa fondation;
j’y trouvai tant de changements que je reconnus à peine ce que
j’y avais vu alors, car des quartiers populeux s’étaient élevés
sur un sol qui venait à peine alors d’être dépouillé des arbres
qui le couvraient : la forêt voisine, qui s’étendait alors presque
jusqu’au port, pffrait à la vue, du côté de la mer, des
défrichements très - étendus et de jolies maisons de campagne
; je reconnus cependant le petit monticule qui domine la
ville, situé à un quart de lieue de la mer, où s’élève la résidence
du gouverneur, qui occupe la position qu’on donnerait à une
citadelle, si on voulait changer cette ville de paix, de commerce
et de liberté en une position militaire, car cette hauteur en
serait alors la clef, puisqu’elle n’est dominée d’aucun côté à
une portée de canon.
On ne peut guère appeler une ville, la réunion de belles habitations
entourées de jardins qui occupent une grande étendue
de la plaine sur la rive opposée du port ; quoiqu’il y ait un tracé
régulier de rues, c ’est plutôt un faubourg composé dé maisons
de campagne disséminées comme celle du quartier neuf à
Batavia : elles ont toutes un caractère particulier qui rappelle
celles de l’Hindostan» et les nombreuses voitures qu’on rencontre
à chaque instant dans ces rues, diffèrent tout à fait par leurs
formes de celles d’Europe, et ressemblent à des palanquins supportés
par des roues et auxquels On attelle un cheval au liéU de
porteurs. Parmi tous ces beaux édifices, on en remarque Un
beaucoup plus vaste que tous les autres, et qu’on reconnaît
facilement à la forme de son architecture pour être destiné
à un établissement public : c’est le célèbre collège de Singapour
, où sont admis, sans distinction de secte ni de culte,
tous les jeunes gens des diverses nations de l’Orient, depuis
le sectateur de Brahma, l’adorateur du feu et les bouddhistes
de Siam et de la Chine, jusqu’aux mahomëtans et
aux chrétiens de toutes les communions ; là, on ne s’occupe que
d’éclairer leur intelligence , en laissant à leurs familles le soin
de faire leur éducation religieuse et morale ; tous y puisent de
bonne heure des principes de tolérance, ét s’y pénètrent
de cette grande vérité, qu’on peut rester fidèle à la religion
de ses pères, sans avoir besoin de chercher à imposer la
sienne aux autres par la force ; ils apprennent à vivre en paix
et à respecter les croyances de ceux qui ne pensent pas comme
eux, et en travaillant à propager cette tolérance, ils contribueront
à multiplier entre tous les peuples les relations qui seront profitables
à chacun d’èux. Ce collège qui n’a pas son pareil eù Europe,
convenait parfaitement à une ville comme Singapour,