punir leurs complices, ils les considérèrent eux-
mêmes comme de très-bonnes prises, et ils les vendirent
tous comme esclaves. Il faut se méfier constamment
de ces brigands-là, ajoutait le capitaine Somès;
ic i, dans le port, je ne pense pas qu’ils viennent de
gaieté de coeur nous attaquer, surtout parce qu’ils savent
que nous nous tenons toujours prêts à les combattre
; mais s’il s’offrait une belle occasion avec quelques
chances de succès, ils pourraient le tenter,
malgré les traités qu’ils ont signés et que nos navires
de guerre font respecter; en dehors de la baie, je
suis certain qu’ils nous attaqueraient s’ils étaient assurés
de réussir. Dernièrement, deux jours seulement
ayant votre arrivée, deux praos de pirates quittèrent
le mouillage et passèrent près de nous, ils nous défièrent
de sortir avec eux. Tenez , disaient-ils , venez
un peu au large pour essayer nos forces. Ces forfanteries
, du reste, avaient peu de valeur, car ils n’eussent
jamais osé nous attaquer , mais ils eussent pu
essayer de nous surprendre dans la nuit; ces hommes
ne sont pas des voleurs hardis et courageux, mais de
lâches assassins. »
Tous les ans des chaloupes canonnières de Sam-
boangan viennent croiser dans l’archipel et visiter
le sultan dans sa ville de Bewan. L’année dernière,
la population avait formé le projet d’assassiner l’officier
espagnol commandant, lorsqu’il descendrait pour
faire sa visite au sultan. Prévenu à temps, celui-ci se
fit accompagner par quarante hommes bien armés ,
ce qui donna lieu à une scène tumultueuse semblable
à celle à laquelle nous venions d’assister, mais grâce
à cette précaution, la visite de l’officier espagnol
s’effectua comme la nôtre, sans accident. Le motif de
cette atroce vengeance de la part des habitants, était
que cet officier, avec son embarcation, avait capturé
plusieurs praos malais en vue même des terres de
Solo, et l’on ajoute qu’il les avait expédiés sur-le-
champ. «Si ceci est vrai, disait le capitaine Somès, il
est probable que cet événement aura produit quelque
effet dans le pays. Le sultan qui fait lés traités n’a
pas le pouvoir de les faire exécuter, si toutefois il
en a la volonté ; car les chefs gagnent trop à voir leurs
sujets ou plutôt les habitants s’adonner à la piraterie,
et comme ils ne courent aucun risque personnel, il
est probable que ce brigandage ne sera jamais empêché
par eux. On ne se figure pas les torts que ces
praos font au commerce : non-seulement ils attaquent
des navires, ils pillent les marchandises et réduisent
les équipages à l’esclavage, mais souvent ils
font des descentes à terre, ils enlèvent les malheu-
reux habitants "des côtes et ils brûlent les villages.
Combien de malheureux matelots de sang mêlé , des
Manillois , des Bisayas sont esclaves dans ces îles?
Leur nombre est tel, ajoutait le capitaine Somès, que
leur valeur moyenne ne s’élève pas au delà de 15 à 20
piastres ; combien de ces malheureux sont morts à la
peine en rêvant une liberté qu’ils n’ont jamais pu obtenir,
car ils payent de la perte de la vie toute tentative
faite pour rompre leurs fers. Ils achètent alors la
mort et la fin de leur dure servitude au prix des souf